Dossier Maurice Rollinat |
MAURICE ROLLINAT DANS LA PRESSE |
Revue Méridionale (Carcassonne)
Décembre 1903.
Pages 136 et 137 (huitième et neuvième du numéro).
(Voir le texte d’origine sur Gallica.)
(page 136)
Portrait de Maurice Rollinat (Zincographie, d’après un fusain de Jane Rouquet, reproduisant celui de Fernand Desmoulins figurant en tête du livre Les Névroses).
MAURICE ROLLINAT
Le poète Maurice Rollinat dont nous donnons ici le portrait d’après celui qui se trouve en tête des Névroses et qui vient de mourir à Paris dans la maison de santé du docteur Blanche, eut une singulière destinée. Célèbre le jour même où il publia le recueil que nous venons de citer et qui lui donna auprès des philistins comme la réputation d’un déséquilibré macabre, il s’évada en plein succès et alla s’ensevelir dans la Creuse, à Fresseline, où la mort d’une compagne idolâtrée devait le désemparer et le tuer une vingtaine d’années après.
Ce jeune homme si pâle, dont les yeux noirs brillaient si fort, et qui, en faisant jaillir des dents de loup sous une courte moustache brune tombante, les cheveux abondants pleurant tragiquement sur le front, aiguisait d’une voix nette, profonde et tranchante, des vers de cauchemard où ricanaient des squelettes, improvisait au piano une musique sans nom, mais non sans rythme, et qui enveloppait ses vers d’un charme étrange, fut nié comme poète par des épiciers de la littérature qui lui préféraient sans doute le triste auteur du Petit épicier de Montrouge et ses semblables.
Il laisse une œuvre puissante et évocatrice, et c’est bien de lui qu’on aurait pu dire qu’il créa un frisson nouveau.
Remarques de Régis Crosnier :
– 1 – Maurice Rollinat n’est pas mort « à Paris dans la maison de santé du docteur Blanche », mais à Ivry dans celle du docteur Moreau de Tours.
– 2 – Il faut lire « Fresselines » avec un « s » final.
– 3 – L’auteur écrit : « où la mort d’une compagne idolâtrée devait le désemparer et le tuer une vingtaine d’années après. » Maurice Rollinat et sa compagne Cécile Pouettre se sont installés à Fresselines en septembre 1883. Cécile Pouettre est décédée le 24 août 1903. Si Maurice Rollinat a été très affecté par son décès, ce n’est pas la cause de sa mort, car il était déjà gravement malade, vraisemblablement d’un cancer colorectal.
– 4 – Dans son article « Maurice Rollinat », paru dans la Revue Méridionale de janvier 1904, Raoul Lafagette écrit page 6 : « Je ne puis rendre le même témoignage au collaborateur anonyme qui a écrit, dans le même numéro de la Revue Méridionale, une notice sur Rollinat. Il n’a évidemment pas connu en personne le poète des Névroses, et dès lors, les lignes qu’il lui consacre ne sont que l’écho des informations inexactes dont le reportage parisien avait inondé la grande presse. »
(page 137)
A MAURICE ROLLINAT
Les deux meilleurs amis d’une petite bande,
Assez gueux, mais vivant au dessus du besoin
Dans le même idéal, nous évoquions de loin,
Moi la fierté des pics, toi l’ampleur de la
brande. (1)
Mais des roches me vint un souffle de lavande,
Et tu fus appelé par les meules de foin… (2)
Adieu ! Paris : chacun alla vivre en un coin
De sa terre natale. Or la distance est grande
De la Creuse à l’Ariège, et vraiment ne pouvoir,
Des yeux, au gré du cœur et de l’esprit, se voir,
Et causer voix à voix, charmant l’heure après l’heure,
C’était déjà la mort ! Heureux, sur le
chemin,
Qui tombe le premier : aujourd’hui je te
pleure,
O mon frère ! – et qui donc me pleurera
demain ?
Raoul LAFAGETTE.
(1) Le premier volume de Rollinat est intitulé : Dans les Brandes.
(2) On trouve dans Paysages et Paysans un sonnet intitulé : Les Meules de Foin.
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