Dossier Maurice Rollinat |
MAURICE ROLLINAT DANS LA PRESSE |
Paris Moderne
N° 32 du 25 mars 1883
Page 178.
(Voir le texte d’origine sur Gallica.)
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
Le livre de M. Rollinat vient de paraître, ce livre dont, avant sa naissance, on a fait tant de bruit dans des journaux bien informés sans doute en matière de poésie. Les Névroses pourraient bien avoir cependant le sort de la Pucelle de Chapelain : Depuis six mois on parle d’elles, dans huit jours on n’en dira rien. Nous découpons dans un journal hebdomadaire, un petit échantillon de cette poésie qui devait tout révolutionner :
Pour jardins, je voudrais deux ou trois cimetières
Ou je pourrais tout seul rôder des nuits entières ;
Je m’y promènerais lugubre et triomphant,
Escorté de lézards gros comme ceux du Tibre.
– Oh ! fumer l’opium dans un crâne d’enfant,
Les pieds nonchalamment appuyés sur un tigre !
Mettons que ce soit macabre : c’est qu’alors il y a des points où le macabre et le grotesque ne font qu’un. Et l’on a prononcé les noms de Baudelaire et d’Edgar Poe ! Si cela ne fait pas pitié ! C’est tout au plus du Petrus Borel de trente-cinquième ordre. Ma parole ! Jean Rameau fait mieux.
Jean de Lise.
Remarques de Régis Crosnier :
– 1 – « la Pucelle de Chapelain » renvoie au livre La Pucelle ou La France délivrée, poëme héroïque de Jean Chapelain, (1595 – 1674), paru en 1656 (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5544978m). L’expression qui suit fait référence à une strophe de Linière. On peut lire dans le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle par Pierre Larousse, vol.10 (1873), page 539 :
« LINIERE (François Payot, chevalier de), poète satirique français, né à Senlis en 1628, mort à Paris en 1704. (…) Le morceau le plus connu de ce rimeur facile, c’est la fameuse épigramme dirigée contre Chapelain :
Nous attendons de Chapelain,
Ce noble et fameux écrivain,
Une incomparable Pucelle.
La cabale en dit force bien ;
Depuis vingt ans on parle d’elle,
Dans six mois on n’en dira rien. »
– 2 – Les deux strophes sont extraites du poème « Le Fou » (Les Névroses, page 298). Ce poème avait été publié dans Beaumarchais du 25 février 1883, page 4. Aussi bien dans le livre Les Névroses, que dans le texte publié dans Beaumarchais, il est écrit « comme ceux du Tigre ».
– 3 – Quand l’auteur écrit : « C’est tout au plus du Petrus Borel de trente-cinquième ordre. », il fait certainement référence au livre : Champavert. Contes immoraux, par Pétrus Borel le lycanthrope (Eugène Renduel éditeur-libraire, Paris, 1833, 438 pages).
On peut également penser à la première phrase du chapitre consacré à Pétrus Borel dans L’Art romantique de Charles Baudelaire : « Il y a des noms qui deviennent proverbes et adjectifs. Quand un petit journal veut en 1859 exprimer tout le dégoût et le mépris que lui inspire une poésie ou un roman d’un caractère sombre et outré, il lance le mot : Pétrus Borel ! et tout est dit. Le jugement est prononcé, l’auteur est foudroyé. » (page 350 des Œuvres complètes de Charles Baudelaire, tome III, Michel Lévy frères éditeurs, Paris, 1869, 442 pages).
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