Dossier Maurice Rollinat |
MAURICE ROLLINAT DANS LA PRESSE |
Les Annales politiques et littéraires
N° 822 du 26 mars 1899
Page 200 (huitième du numéro).
(Voir le document d’origine sur Gallica.)
Indiscrétions Littéraires
M. Maurice Rollinat revoit, en ce moment, les épreuves d’un volume de poésies que l’éditeur Fasquelle va publier tout prochainement. Ce volume s’appellera : Paysages et Paysans.
Le poète est à Paris depuis un mois ; il a élu domicile dans une maison modeste de la rue Lamartine, passant ses soirées, comme autrefois, à Montmartre ou dans quelques familles amies, où le retour de l’écrivain, qui s’est fait « gars du Berry », est aujourd’hui très fêté. C’est en un coin pittoresque de la Creuse que Maurice Rollinat s’est retiré ; déjà, il écrivit son dernier ouvrage poétique, la Nature, en contemplant
Les beaux soleils couchants dont saignent les collines.
Et c’est dans ce refuge qu’il a composé les pièces de son nouveau recueil. Le ruban rouge l’a récompensé, en juillet 1895, de sa vie très simple et très droite. Il n’en a pas moins continué sa vie paisible sur les bords de la Creuse, où l’espoir des victoires à remporter sur les barbillons et les carpes retient, à peu près toute l’année, gaule en main, ce pêcheur fanatique.
Sarah Bernhardt découvrit, jadis, ce chantre des crapauds, des folies et des terreurs, élève à la fois de George Sand et d’Edgar Poë. Il disait ses poésies avec une incomparable maîtrise, si bien que lorsqu’on organisa, l’an passé, une représentation où les meilleurs de nos artistes récitèrent ses plus belles strophes, chacun pensa, très déçu :
– Ce n’est que ça ?
Où donc, en effet, retrouver l’accent vitriolesque, la voix sardonique; le regard illuminé qui faisaient naître la sensation profonde, angoissante qui vous étreignait aux « Hydropathes », lorsque le poète clamait ses vers ? Chez Sarah Bernhardt, de nouveau, ces jours-ci, on pouvait entendre Maurice Rollinat, nullement changé, mais qui, sitôt passée la semaine de Pâques, regagnera bien vite son humble maison des champs.
F. RAOUL-AUBRY.
Remarques de Régis Crosnier :
– 1 – F. Raoul-Aubry est un pseudonyme utilisé par Félix Lenclud, journaliste et critique théâtral, né le 6 juillet 1872 à Mirande (Gers) et décédé le 27 février 1915 à Paris (https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb10840795t).
– 2 – Dans son article « Maurice Rollinat » paru dans le Journal de Charleroi (Belgique) du 28 octobre 1903, page 1, suite au décès du poète, F. Raoul-Aubry publie la lettre qui lui a servi à écrire cet article :
… En vous remerciant cordialement de l’intérêt artistique que vous voulez bien me témoigner, je vous adresse les renseignements demandés :
Je suis né en 1846 à Châteauroux (Indre). Mon père, avocat dans cette ville, fut élu représentant du peuple en 1848 et siégea à la Constituante et à la Législative.
Après dix-huit années passées à Paris, je me suis retiré à la campagne, dans la Creuse, où je continue mon travail littéraire et musical entremêlé de pêches à la ligne.
Jusqu’à présent, j’ai publié une centaine de mélodies et cinq volumes de poésies : Dans les Brandes, les Névroses, l’Abîme, la Nature, les Apparitions.
J’attends les dernières épreuves d’un sixième : Paysages et Paysans, qui, si les événements le permettent, pourra, sans doute, paraître, au commencement du mois de mai, ou même, dans le courant d’avril.
Je vous envoie ci-inclus un sonnet tiré de ce livre, et je vous prie d’agréer, avec l’assurance de ma gratitude, l’expression de mes sentiments bien sympathiques.
Maurice Rollinat.
– 3 – Le vers « Les beaux soleils couchants dont saignent les collines. » est extrait du poème « Ce que dit la rivière » (Les Apparitions, page 124).
– 4 – Lorsque Raoul Aubry évoque la « représentation où les meilleurs de nos artistes récitèrent ses plus belles strophes », il fait référence à la soirée du 28 juin 1898 à l’Athénée-Comique.
– 5 – Raoul Aubry évoque « Les Hydropathes ». Il n’a pas pu y participer puisqu’il est né en 1872.
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