Dossier Maurice Rollinat |
MAURICE ROLLINAT DANS LA PRESSE |
Le Temps
Dimanche 25 octobre 1903
Page 3.
(Voir le texte d’origine sur Gallica.)
FAITS DIVERS
(…)
LE POÈTE MAURICE ROLLINAT. – M. Charles Frémine annonce ce matin dans le Siècle que son ami, le poète Maurice Rollinat, cruellement éprouvé par la mort récente de sa femme et d’ailleurs surmené par ses occupations littéraires, a dû être conduit dans une maison de santé à Ivry.
On sait que depuis le succès si retentissant de son premier volume, il y a quelque vingt ans, Maurice Rollinat s’était retiré dans son pays natal, à Fresselines (Creuse). Il y menait une existence paisible de pêcheur et de cultivateur, en même temps que d’écrivain et de musicien. Naguère, dans des lettres d’un style nerveux et travaillé, il dépeignait à son ami Charles Frémine la joie du pêcheur qui a capturé une truite saumonée de deux livres. Et il ajoutait :
Je bûche ferme. J’ai en chantier plusieurs livres de vers et de prose. Je m’engloutis surtout dans la musique qui me donne des joies et des sensations surnaturelles. Je tâche d’exprimer avec des sons tout l’imprécis, l’informe, le flottant, l’informulable de ma pensée.
Je fais maintenant des morceaux pour piano seul et je m’ingénie à rendre, par des notes évocatrices, la magie calme ou tourmentée, le clair ou le ténébreux, l’horreur ou la suavité de la nuit, ses silences, ses murmures stridents ou plaintifs, les surgissements vagues de ses silhouettes dans des paysages de pénombre.
Je m’intéresse tellement à cette composition où le raisonnement n’a aucune part, toute de sentiment mystique, d’une pression confuse et nerveuse, que je m’oublie à travailler pendant des six ou sept heures de suite, et que je quitte mon piano comme si je sortais d’un songe !
Tu vois que je ne m’ennuie pas à la campagne et je peux bien dire que je devrai à ma passion de la musique le charme et la consolation continus de ma tristesse dans l’inspiration de la solitude…
On espère qu’après un repos de quelque temps, M. Maurice Rollinat pourra reprendre ses occupations.
(…)
Remarques de Régis Crosnier :
– 1 – Ce texte est repris de l’article intitulé « Maurice Rollinat », paru dans Le Siècle du 24 octobre 1903, page 2.
– 2 – Ce n’est pas sa femme qui est décédée, mais sa compagne Cécile Pouettre.
– 3 – La Creuse n’est pas le pays natal de Maurice Rollinat puisque celui-ci est né le 29 décembre 1846 à Châteauroux (Indre).
– 4 – Durant les vingt années passées à Fresselines, Maurice Rollinat n’a jamais été « cultivateur ».
– 5 – « La joie du pêcheur qui a capturé une truite saumonée de deux livres » renvoie à la première lettre publiée dans l’article paru dans Le Siècle. Le texte qui suit jusqu'à « solitude », correspond à la deuxième lettre figurant dans ce même article.
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