Dossier Maurice Rollinat

 

MAURICE ROLLINAT DANS LA PRESSE

Portrait de Maurice Rollinat par Catherine Réault-Crosnier.

 

Le Soleil

Mardi 3 novembre 1903

Page 2.

(Voir le texte d’origine sur Retronews.)

 

 

FAITS DIVERS

(…)

Le suicide de M. Rollinat

Quelques chroniqueurs persistent à prendre, pour sujet de leurs récits, la fin de Rollinat, qu’ils tiennent absolument à nous montrer agonisant parmi des crises de démence. C’est fort pittoresque ; mais pareille cruauté dans l’erreur blesse les amis fidèles du poète, et nous devons, à la demande de quelques-uns, rapporter la vérité. Maurice Rollinat s’est suicidé. Nous avons dit déjà ce qu’il convenait, touchant la mort de sa compagne, qui, se croyant mordue par un chien enragé, tua de ses propres mains la malheureuse petite bête dans une minute d’affolement, et succomba peu après elle-même, tandis qu’à l’Institut Pasteur l’autopsie du corps de l’animal ne révélait aucune trace de poison.

Maurice Rollinat fut affecté cruellement par ce drame effroyable. Il souffrait depuis longtemps d’un mal profond qui le dévorait. Ses forces diminuaient rapidement. Sa compagne disparue, il eut des accès de désespoir, se désola sur sa déchéance physique, et les conseils affectueux des amis chez lesquels il avait trouvé asile, à Limoges, furent vains : il se frappa d’une balle de revolver qui traversa le menton, la bouche, brisa le palais et sortit au-dessus des narines. On le transporta discrètement à Ivry, où les soins les plus assidus lui furent prodigués. On le crut mieux. Lundi matin, le docteur Moreau de Tours pénétra dans sa chambre :

– Eh bien ! vous voulez donc guérir ?

Il sourit ; les paupières lourdes, relevées doucement, découvrirent ses prunelles déjà noyées de brume ; il se dressa légèrement, et répondit :

– Oui, j’ai passé une bonne…

Il n’acheva pas. Sa tête fatiguée retomba ; il eut un petit sanglot d’enfant, et il mourut.

(…)

 

Remarques de Régis Crosnier :

– 1 – Cet article est la reprise exacte du début de celui de Raoul Aubry « Au jour le jour – Le suicide de Maurice Rollinat (Lettres inédites) », paru dans Le Temps du 3 novembre 1903, page 3.

– 2 – Sa compagne (Cécile Pouettre) n’a pas tué « de ses propres mains la malheureuse petite bête dans une minute d’affolement ». Elle n’est pas non plus morte de la rage. Entrée le 23 août 1903 dans une maison de santé située au 130, rue de la Glacière à Paris, elle décède le 24 août 1903 (voir Émile Vinchon, La vie de Maurice Rollinat, page 283). Les causes du décès ne sont pas connues mais sont certainement liées au fait qu’elle prenait de la morphine pour ses douleurs. Il est exact que Maurice Rollinat a été très affecté par ce décès.

– 3 – Maurice Rollinat s’est bien tiré une balle de révolver, mais cet acte n’est pas la cause de son décès. Le Docteur Dheur, médecin-adjoint de la maison de santé d’Ivry où Maurice Rollinat est décédé le 26 octobre 1903, a rompu le secret médical, certainement pour couper court à tous les faux bruits qui couraient, dans l’article « La mort de Rollinat » paru dans Le Matin : derniers télégrammes de la nuit du 3 novembre 1903, page 2, où on peut lire : « Il est exact que Rollinat se tira une balle dans la tête. Ce fut quelque temps avant d’entrer ici. Profondément affecté par une attaque d’entérite, il voulait se détruire. Mais le projectile, de six millimètres seulement, ressortit par une des fosses nasales, après avoir traversé la voûte palatine. Il en résulta une hémorragie peu grave. Lorsque Rollinat entra chez nous, la blessure était complètement cicatrisée. Il est aussi inexact de dire que Rollinat est mort dans un accès de folie que de prétendre qu’il a succombé aux suites de sa tentative de suicide. En réalité, Rollinat n’a jamais été privé d’aucune de ses facultés mentales. Il est mort d’un marasme physiologique contre lequel aucuns soins ne pouvaient prévaloir. »