Dossier Maurice Rollinat |
MAURICE ROLLINAT DANS LA PRESSE |
Le Matin
Lundi 4 décembre 1882
Page 3
(Voir le texte d’origine sur Gallica)
BIBLIOGRAPHIE
Le Briou, par Pierre Elzéar, chez Havard.
Le nouveau livre de Pierre Elzéar obtient an succès mérité. C’est un récit bizarre et violent qui rappelle en certaines pages, les cruelles analyses d’Edgar Poe.
Le roman est précédé d’une lettre au poète Maurice Rollinat, dont nous détachons un passage assez vif, qui a trait à l’école naturaliste :
« Où sont-ils, les prétendus pontifes du naturalisme ? Qui flétrissez-vous de cette épithète ? Ce n’est certes pas Alphonse Daudet, ce poète délicat et ensoleillé. Ni Goncourt, cet amant du dix-huitième siècle. Ni Maupassant, ce robuste fils de Flaubert. Ni Maizeroy, cet amer et ce subtil. Ni Emile Zola ce romantique incorrigible, qui se garde bien de mettre en pratique ses doctrines, et dont le dernier ouvrage, Pot-Bouille, si inférieur à ses devanciers, loin de rappeler en quoi que ce soit la réalité, n’est autre chose que le rêve malsain d’un enfant malade.
« Parlerai-je des fabricants de feuilletons dit populaires ? Ils n’ont rien innové. De tout temps on a écrit des scènes obscènes en mauvais français.
« Ni ceux-ci, ni ceux-là, qui savent bien que Balzac et Stendhal les ont précédés, ne peuvent avoir la prétention d’avoir fondé une église nouvelle.
« Que reste-t-il donc ? Rien ou presque rien. Un petit groupe d’obscurs naïfs, estimé de quelques citoyens belges, mais que nos compatriotes ignorent et ont raison d’ignorer, infortunés enfants de chœur qui ont pris au sérieux les sermons de Zola : écrivains hargneux, épris de la nullité malpropre, qui voudraient borner l’horizon de la vie humaine et des belles-lettres : à l’est par les hébétudes d’un employé sur son rond de cuir, à l’ouest par les émanations d’un morceau de fromage avancé, au sud par les douleurs d’entrailles d’un mari malheureux, au nord par les impressions d’un ténia dans les intestins d’un notaire de province.
« Pour arrêter « ce grand courant du naturalisme » dont on parle quelquefois, il suffirait de fermer ces modestes robinets d’eau sale.
Je viens d’appeler ces jeunes gens « naïfs ». Hélas ! pas même naïfs. Pas même convaincus. Ma dernière illusion s’écroule, et la lecture d’une édition récente du Parnasse satirique me révèle que leur pédantisme gourmé n’est que de l’hypocrisie. Ce ne sont nous – nous en doutions peut-être un peu – que des échappés de collège qui se plaisent à dire des cochonneries.
Ah ! jeunes élèves, vous nous la baillez belle, avec vos grands airs de réformateurs austères, de dévoués chirurgiens disséquant froidement l’humanité.
Jetiez-vous des cris d’indignation assez perçants, faisiez-vous assez les bégueules quand nous nous étonnions de vous voir exclusivement préoccupés d’accumuler dans vos livres les ordures et les puanteurs ! Votre scalpel, vos grandes phrases, vos mines rogues à la Robespierre, votre foi dans une esthétique nouvelle, nous pressentions ce que tout cela voulait dire... Et voici que vos vers ignobles sont là pour éclairer les plus indulgents. Le seul culte littéraire qui vous ait jamais tourmentés, c’est une hystérie malsaine, un impérieux besoin d’être grossier, un bestial appétit pour tout ce qui est vil et tout ce qui est sale.
Vous n’êtes même pas des naturalistes – si toutefois ce mot a un sens quelconque. – Vous êtes seulement des polissons de lettres. »
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