Dossier Maurice Rollinat

 

MAURICE ROLLINAT ET LA PEINTURE

(à l’exception de ses relations avec Claude Monet)

Portrait de Maurice Rollinat pêcheur d'après Allan Osterlind, par Catherine Réault-Crosnier.

 

Recherche documentaire

non exhaustive, réalisée par Régis Crosnier.

 

Version au 11 juin 2024.

 

I – La peinture dans les poèmes ou textes de Maurice Rollinat

– Poésie inédite envoyée à Raoul Lafagette le 16 septembre 1876 (collection particulière).

« Ci-joint une poésie nature, qui ne manque pas, je crois, d’un certain pittoresque.

Amour de peintre

J’aime tant la fille d’auberge
Que j’ai fait pour elle un tableau.
Je l’ai peinte sur une berge
Se retroussant pour passer l’eau
Et puis, l’amour si fort m’agite
Que l’auberge devient mon gîte !...

L’Hôtesse est un vrai cordon bleu.
Ce n’est pas elle qui lésine,
Et qui saurait faire avec peu
De la succulente cuisine.
Il faut qu’elle ait un fameux gout
Pour exceller dans le ragout !...

Aussi l’Hôte n’est pas un mythe :
L’Auberge est pleine comme un œuf !
Plats, casseroles et marmites
Tout ça reluit comme un sou neuf. –
La propreté la plus sévère
Boit ici sans rincer son verre !...

Je mange dans 1’assiette à fleurs
Radieuse comme un parterre !
Et voici que j’ai des couleurs.
La servante m’est salutaire !...
C’est elle au lever du soleil
Qui se charge de mon réveil !...

Je la suis dans toutes les chambres,
Je la vois faire tous les lits !
Quelle souplesse dans ses membres,
Et que ses bras nus sont jolis !...
Elle est loin de me prendre en grippe
Pour tous les baisers que j’agrippe !...

Coiffé d’un béret vermillon,
Vêtu d’une vieille vareuse,
Je vais pêcher le barbillon
Dans la Bouzanne et dans la Creuse.
Et la nuit, le peintre s’endort
Près de la belle aux cheveux d’or !...

C’est la peureuse des peureuses !
Mais son embarras est charmant.
Elle a, comme peu d’amoureuses
Le corps chaste et le cœur aimant !...
Une petite croix d’or brille
Au cou frais de la belle fille !...

Bref ! Je bénis cette maison
Si pittoresque entre deux saules
Sur un grand tertre de gazon !...
Vous pouvez hausser les épaules,
Mais la bonne aux baisers de miel
M’a mis dans l’âme tout un Ciel !...

M. Rollinat »

 

– Dans « LES FRISSONS » (Les Névroses, pages 7 à 10)

(page 9)

(…)
Le strident quintessencié,
Edgar Poe, net comme l’acier,
Dégage un frisson de sorcier

Qui vous envoûte !

Delacroix donne à ce qu’il peint
Un frisson d’if et de sapin,
Et la musique de Chopin

Frissonne toute.

(…)

Remarque de Régis Crosnier : Eugène Delacroix (1798-1863) est un peintre français. George Sand fit la connaissance de celui-ci en 1834, quand son éditeur Buloz demanda au peintre de faire le portrait de la romancière (le tableau se trouve actuellement au musée Delacroix). Ce fut le point de départ d’une amitié qui dura jusqu’à la mort du peintre. Eugène Delacroix venait régulièrement à Nohant où il a peint plusieurs tableaux. Il y a rencontré François Rollinat. Il est vraisemblable que Maurice Rollinat ait entendu parler du peintre par son père (voire par George Sand). Nous ne savons pas pourquoi Maurice Rollinat dans son poème, parle « d’if et de sapin », à moins que ce soit uniquement pour la rime.

 

– Dans « L’INTROUVABLE » (Les Névroses, pp. 38 et 39)

(page 39)

(…)
As-tu peur du remords plus que du mal physique,
Et vas-tu dans Pascal abreuver ta douleur ?
Chopin est-il pour toi l’Ange de la musique,
Et Delacroix le grand sorcier de la couleur ?
(…)

 

– Dans « LE VOLEUR » (Les Névroses, page 275)

L’aveugle, un vrai Goya retouché par la Morgue,
A genoux dans le froid coupant comme une faux,
Automatiquement tirait d’un petit orgue
Un son inoubliable à force d’être faux.
(…)

Remarque de Régis Crosnier : Francisco de Goya (1746-1828) est un peintre et graveur espagnol très connu. Par rapport à l’aveugle du poème, nous pensons immédiatement à la série « Les Désastres de la guerre », composée de quatre-vingt-deux estampes en noir et blanc, très réalistes et souvent sombres.

 

– LA JOCONDE (Les Névroses, page 315)

A Gaston Béthune.

Le mystère infini de la beauté mauvais
S’exhale en tapinois de ce portrait sorcier
Dont les yeux scrutateurs sont plus froids que l’acier,
lus doux que le velours et plus chauds que la braise.

C’est le mal ténébreux, le mal que rien n’apaise ;
C’est le vampire humain, savant et carnassier
Qui fascine les cœurs pour les supplicier
Et qui laisse un poison sur la bouche qu’il baise.

Cet infernal portrait m’a frappé de stupeur ;
Et depuis, à travers ma fièvre ou ma torpeur,
Je sens poindre au plus creux de ma pensée intime

Le sourire indécis de la femme-serpent 
Et toujours mon regard y flotte et s’y suspend
Comme un brouillard peureux au-dessus d’un abîme.

 

– « LES DEUX BOHÉMIENS » (En Errant, pages 86 et 87)

M’étant remis en marche au bord de 1a rivière, je recontemplais dans ma pensée ce fantastique tableau vivant, digne d’un Goya surnaturel, quand je rencontrai, me faisant face, le mari de la bohémienne. Ah ! certes ! la beauté qu’elle avait dans la noblesse tragique, il l’avait, lui, dans la plus triomphante et splendide animalité : chevelu comme un saule, bâti comme un roc, musclé comme une panthère, il suait la santé, fleurait la force, était l’apothéose de la vie !

 

– Dans En errant, à propos de la gravure « La Mélancolie » de Dürer (pages 266 et 267)

Tout génie douloureux nous hante à la manière d’un fantôme : morts depuis les temps (page 266) les plus reculés, les grands tragiques de l’Art demeurent des rôdeurs de notre âme, de purs esprits flottant dans notre atmosphère, les surhumains tout-puissants dont les despotiques chefs-d’œuvre font s’animer leur rêve à travers les siècles.

Tel livre rend une bibliothèque imposante et redoutable ; de telles peintures et dessins émanent surnaturellement du frisson et du geste, du long regard et du profond soupir.

Comme la fatalité, surgissant partout et nulle part, on ne sait où ; accroupie, sans les voir, au milieu des dérisoires attributs de nos convoitises et de nos besoins périssables ; contemplatrice du néant ; sondeuse du vide universel ; rumineuse de l’inutile éternité ; plus perdue et plus profonde en mystère que l’astre morose et l’océan damné qui la regardent : la Mélancolie d’Albert Dürer hallucine les yeux, solennise le songe, horrifie les murs, ensorcelle les appartements.

Au chevet de mon lit, dans son cadre noir et nu, la vieille gravure que j’en possède, projette sur moi tant d’irrémédiable et miroitante tristesse, que, toutes les fois, quand je me couche, (page 267) je frémis d’en approcher. C’est toujours un brusque face à face avec moi-même : il me semble que ma satiété, non moins incurable, s’y répercute ainsi que dans une glace miraculeuse, comme si, dans ce fantôme de fer, dans cette femme ambiguë, lourde et mystique, aux ailes d’ange, à la robe rigide, aux yeux clairs qui bâillent du gouffre, – se montrant, par l’angle têtu de son bras, si obstinément accoudée dans le dégoût – je trouvais la forme vivante et fixe de mon inerte angoisse, l’incarnation de mon âme et l’attitude de ma pensée.

Hélas ! rien n’est oublié dans cette figure de la plus épouvantable allégorie, et le si mince écart de notre existence semble avoir sa mesure entre les branches du compas qu’elle tient, comme la destinée, sur ses genoux de spectre !

Remarque de Régis Crosnier : Albrecht Dürer (1471-1528) est un graveur et peintre allemand. « La Mélancolie » est à l’origine une gravure sur cuivre datée de 1514. Les nombreux symboles qu’elle contient peuvent générer de nombreuses interprétations.

 

– Dans Ruminations (pages 110 et 111)

La peinture a ceci de particulièrement extraordinaire, c’est que, restant toujours dans le réel, quand elle rend des aspects d’animaux, d’objets et de paysages, elle touche au fantastique, quand elle exprime la figure humaine : qualité de merveilleux inquiétant, d’étrangeté (page 111) louche et de sourde horreur qui s’accentue encore davantage dans le mystérieux silence d’un gîte isolé. Si ressemblants qu’ils soient, les portraits appendus aux murs d’une très vieille chambre bien intime, vous sourient toujours plus ou moins, d’un air de personnes ressuscitées, vous regardent toujours d’un œil un peu surnaturel.

 

II – La peinture dans la correspondance de Maurice Rollinat

– Lettre de Maurice Rollinat à sa maman, Isaure Rollinat, écrite à Paris, le 30 avril 1872 (collection particulière).

(…)
Le poète acclamé du public, le peintre cher aux amateurs, l’écrivain faisant loi dans la littérature, les artistes poursuivent à travers le prisme enchanteur du rêve ces deux buts si opposés : la réalisation de l’idéal, ou les faveurs de la fortune. J’aime à croire que les vrais génies se préoccupent toujours plus de leur art que de l’argent qu’ils pourront gagner, mais enfin, tout homme quel qu’il soit vise à un résultat final, sans gaspiller son temps et ses facultés dans des actions non motivées ou des élucubrations vagues, fœtus illusoire d’une imagination maladive et n’ayant pas conscience d’elle même. (…)

 

– Lettre de Maurice Rollinat à Raoul Lafagette, datée du 28 octobre 1874 (collection particulière).

(…)
J’ai aussi revu Cézanne ! En voilà un par exemple qui selon moi n’arrivera jamais ! – actuellement, il a l’air d’un échappé de Bicêtre ; il ne parle pas, il vocifère, – il ne gesticule pas, il se convulse - en art, il a des principes aussi faux que dogmatiques, et la poésie lui échappe absolument. Il semble baroque, intéressant même une première fois, mais il ne l’est plus à la deuxième rencontre. Comme je lui préfère Zola dont il méconnait le talent incontestable.
(…)

Remarque de Régis Crosnier : Paul Cézanne (1839-1906) est un peintre français. En 1874, il habitait à Aix-en-Provence ; il est donc venu à Paris. Maurice Rollinat savait-il que Paul Cézanne et Émile Zola étaient des amis depuis le collège ?

 

– Lettre de Maurice Rollinat à Raoul Lafagette, datée du 3 septembre 1875 (collection particulière).

(…)
Je vais cultiver Manet. Il m’est très sympathique, et j’ose dire que mes vers lui plaisent particulièrement. Je ne serais pas étonné qu’il me fit une eau forte pour Le Ramasseur de bouts de cigares dont il raffole et qu’il cite sérieusement comme un chef d’œuvre de poésie brutaliste. Enfin, quoiqu’il arrive, je suis bien décidé à fréquenter les artistes. J’en verrai le plus possible ; c’est le seul moyen d’arriver.
(…)

Remarque de Régis Crosnier : Édouard Manet avait illustré :
– Le Fleuve de Charles Cros, paru en 1874 à la Librairie de l’Eau-forte, Paris (15 pages avec 8 eaux-fortes) (annoncé dans la presse en février 1875) ;
– Le Corbeau d’Edgar Poe traduit par Stéphane Mallarmé, paru en juin 1875 chez Richard Lesclide éditeur, Paris (14 pages avec 5 illustrations). Trois gravures d’Édouard Manet représentent Edgar Poe : une à sa table de travail, une autre regardant par la fenêtre et la dernière de dos assis dans un fauteuil ; les ressemblances (la chevelure, les moustaches et l’allure générale) font penser à Maurice Rollinat.

 

– Lettre de Maurice Rollinat à Raoul Lafagette, expédiée de Paris le 16 octobre 1875 (collection particulière).

(…)
J’ai une bonne nouvelle à vous annoncer ! – Manet, va illustrer 10 de mes poésies. À chaque pièce, une eau forte ! – Ce grand peintre est (j’ose le dire, puisque j’en ai la preuve !) enthousiaste de ma forme et de mon tempérament, qu’il trouve correspondant au sien, et peut être plus raffiné encore (c’est toujours lui qui parle !) – Voici les 10 pièces qu’il veut illustrer :

Le Ramasseur de Bouts de cigares
La Baigneuse
Le Crapaud
La Pluie d’Hiver
La Belle Fromagère
Le Chat
Le Buveur d’absinthe
L’enterré vif
Mademoiselle squelette
La Lune

Nous ferons m’a t-il dit un Volume très artistique, papier de chine, format bizarre et d’une dimension suffisante pour que la gravure y ait sa pleine liberté ; puis, il faut que cet ouvrage soit vendu très cher ! – on en parlera, soyez en sur, on l’achètera, c’est certain, et alors vous pourrez faire une publication omnibus avec des réductions de mes eaux fortes (!) –

Avouez, Mon Cher Ami, que Manet est un charmant homme, et que s’il me continue ses bons procédés il peut être ma providence et donner à mes pauvres vers un relief considérable !
(…)

 

– Lettre de Maurice Rollinat à Raoul Lafagette, datée du 8 décembre 1875 (collection particulière).

(…)
Manet a commencé. Il a déjà fait deux eaux fortes : Le Buveur d’absinthe et Le Ramasseur de bouts de cigares. Mais, comme, c’est un chercheur que Manet, il n’est pas encore définitivement satisfait de ces deux esquisses. Je les trouve pourtant très inoubliables. – Le volume paraitra je l’espère vers le mois d’avril, à l’époque du salon. On parlera de Manet, et j’aurai peut être quelques chances de succès ! – Enfin, quoiqu’il arrive, je resterai calme, aussi bien dans la réussite que dans le four. –
(…)

Remarques de Régis Crosnier : Le poème de Maurice Rollinat a comme titre « La Buveuse d’absinthe » et Édouard Manet avait réalisé en 1859, une huile sur toile intitulée « le Buveur d’absinthe ».

 

– Lettre de Maurice Rollinat à Isaure Rollinat, datée du 7 avril 1876, publiée dans Fin d’Œuvre, pages 231 à 233.

Ma chère Maman,

(…) Mais pourtant je peux vous annoncer, que dès maintenant je suis connu à Paris dans le monde des vrais artistes. On me cote pour un poète original, et le grand éditeur Lemerre vient de m’insérer une longue pièce de vers (les Cheveux) dans le Parnasse Contemporain. Mon nom figure là, à côté de noms presque illustres : Théodore de Banville, Autran, de l’Académie française, François Coppée, Leconte de Lisle, etc. Un volume délicieusement imprimé va paraître prochainement chez l’éditeur Lesclide : j’y ai dix pièces très goûtées des connaisseurs. De plus un aquafortiste, ami de Gustave Doré et d’une foule de peintres remarquables, vient de faire un traité avec moi par lequel je lui livre 15 ou 20 poésies typiques, moyennant autant d’illustrations ou d’eaux fortes de Gustave Doré, Manet, Rops et autres. Vous voyez donc, ma chère maman, que je n’ai pas à une plaindre, et qu’en somme pour un poète débarqué de sa province depuis si peu de temps, j’arrive assez vite à la publicité. (…)

 

III – Quand Maurice Rollinat est comparé à des peintres

– Le Conseiller du bibliophile. Publication destinée aux amateurs de livres rares et curieux, du 1er juin 1877, pages 91 et 92.
« Petite lorgnette poétique – Dans les Brandes, par Maurice Rollinat » signée Louis de Villotte
(pseudonyme utilisé par Octave Uzanne).

(...) Ce volume est rempli de choses exquises dans leur apparente brutalité. – Théodore Rousseau rêverait devant la Mare aux grenouilles, si largement peinte ; et, dans ces Rondels qui ont pour titre le Petit coq, le Convoi funèbre, le Chien enragé, les Loups, il y a des frissons à fleur de peau qui se changent en angoisses lorsqu’on arrive aux pièces magistrales de la Morte et Où vais-je ?
(...)

Remarque de Régis Crosnier : Théodore Rousseau (1812-1867) est un peintre et graveur français. Il est connu pour ses paysages et pour son observation de la nature. Il est considéré comme l’un des fondateurs de « l’École de Barbizon ». C’est un défenseur de la nature et il s’oppose à l’abattage d’arbres centenaires en forêt de Fontainebleau ; avec l’aide d’amis dont George Sand, il obtient en 1853 la création de « réserves artistiques ». Nous ne savons pas si Maurice Rollinat avait entendu parler de Théodore Rousseau par son père ou par George Sand, mais la fin de son poème « Les Arbres » (Dans les Brandes, pages 112 à 115) a des points communs avec ce combat. Quant au poème « La Mare aux grenouilles » (Dans les Brandes, pages 52 à 56), nous trouvons une finesse d’observation de la vie comme aimait le faire Théodore Rousseau avant de la traduire dans ses tableaux. Nous pouvons penser par exemple à « La Mare » (huile sur toile, 1842-1843, Musée de Reims), tableau peint dans le Berry près du hameau du Fay (commune de Parnac), où Théodore Rousseau séjourna de juin à décembre 1842 ; ou à « La Forêt de Fontainebleau : matin » (huile sur toile, 1851, Wallace collection) où nous voyons des vaches s’abreuver à un point d’eau.

 

– Le National, du 19 juin 1877, page 3.
« Revue dramatique et littéraire – Livres. – Dans les Brandes, Poëmes et Rondels, par Maurice Rollinat. – Chez Sandoz et Fischbacher. » par Théodore de Banville.

(…)
M. Maurice Rollinat s’est emparé en maître du Rondel, ce charmant petit poëme et si français, qui fut jadis cher à Charles d’Orléans, et qui a été récemment remis en lumière. Lisez ce rondel intitulé la Belle Porchère, et dites s’il ne ressemble pas à un excellent Millet ?

La porchère va remplir l’auge
De son mouillé d’eau de vaisselle.
Les deux bras nus jusqu’à l’aisselle,
Elle va, vient, court et patauge.

L’air est plein d’une odeur de sauge,
La lumière partout ruisselle.
La porchère va remplir l’auge
De son mouillé d’eau de vaisselle.

Et ma foi ! mon désir se jauge
Aux charmes de la jouvencelle ;
Je suis fou de cette pucelle.
– Allons ! verrats, quittez la bauge !
La porchère va remplir l’auge.

(…)

Remarque de Régis Crosnier : Jean-François Millet (1814-1875) est un peintre français. Connu pour ses tableaux champêtres et ses scènes paysannes, il est l’un des fondateurs de l’école de Barbizon.

 

– Projet d’article de Raoul Lafagette pour présenter Dans les Brandes de Maurice Rollinat, écrit vers juin ou juillet 1877. (collection particulière)

Dans ses poëmes, M. Rollinat, qui est cependant plus peintre que barde et montre plutôt qu’il ne chante, fait preuve d’un vrai souffle, et baigne ses toiles d’une atmosphère de lyrisme où les moindres objets se revêtent parfois d’une imposante solennité.

 

– Paris du 4 décembre 1882, pages 1 et 2.
« Notes sur Paris » d’Albert Delpit.

(…)
Elle est intitulée la Génisse au taureau. C’est une des plus superbes choses que j’aie lues. Maurice Rollinat nous l’avait récitée l’autre soir. J’avais été enthousiasmé. Mais le poète dit si bien ; ce jeune homme est vraiment un si grand comédien, que j’avais le droit de me méfier. Je me demandais si je retrouverais à la lecture l’impression éprouvée à l’audition. Eh bien ! je n’ai pas eu la moindre désillusion. Le vers est d’une admirable sonorité. La pensée, ferme, solide, n’a jamais une hésitation. Cette pièce est, sans contredit, une des plus belles pages qui existent dans la langue française. Quand le volume de Maurice Rollinat paraîtra chez l’éditeur Charpentier, cherchez tout de suite la Génisse au taureau, et vous lirez quelque chose d’aussi beau en poésie, que peut l’être en peinture, le Semeur de Milet.
(…)

Remarques de Régis Crosnier :
– 1 – L’auteur parle du poème « la Génisse au taureau ». Dans Les Névroses, ce poème est intitulé « La Vache au Taureau ».
– 2 – À la place de « le Semeur de Milet », il faut vraisemblablement lire : « le Semeur de Millet » (Jean-François Millet, 1814-1875 ; son tableau très connu « Le semeur » est une huile sur toile peinte en 1850, actuellement détenue par le Museum of fine arts de Boston).

 

– Le Rappel du 12 décembre 1882, page 3.
Article « Ni cet excès d’honneur, ni, etc. » de Charles Frémine.

(…)
Rollinat pouvait avoir alors de vingt-cinq à vingt-six ans. De taille moyenne, maigre, élancé, le corps flottant, dans un long mac-farlane de couleur noisette, l’ensemble, à première vue, n’offrait rien de saillant. La tête plutôt fine que puissante, pâle d’une pâleur claire, allongée, creuse aux joues, était couverte de grands cheveux châtains, libres et souples. Il se tenait un peu courbé, les jambes croisées, le coude sur le genou, tourmentant un brin de moustache entre ses doigts qu’il a noueux et forts. L’œil était inquiet, d’un vert trouble, avec une flamme fauve, singulière, comme je n’en ai vu qu’à certaines figures de Delacroix.
(…)

 

– La Justice du 1er mars 1883, pages 1 et 2.
« Chronique – Les "Névroses" » de Gustave Geffroy.

[À propos du poème « La Vache au taureau »]

(…)
On ne trouvera pas de modèles à ces beaux vers ; on n’en trouvera ni chez le philosophe Lucrèce, ni chez le poète Virgile, ni chez le peintre Jean-François Millet, auxquels ils font penser ; on n’en trouvera ni dans Baudelaire, ni dans Hugo, ni ailleurs. Ils suffisent à classer leur auteur comme un artiste original, sincère et puissant. Ils achèvent de faire du livre une des manifestations littéraires les plus considérables de la période actuelle.

 

– La Presse du vendredi 2 mars 1883, page 2.
« Chronique – Les Névroses » signée Démocritos.

Les Spectres nous offrent de superbes évocations d’ombres et de squelettes, nous promènent dans les cimetières, nous étalent les cadavres en décomposition. C’est Hoffmann, Valdès Léal, Zurbaran, et c’est aussi Goya.

Remarque de Régis Crosnier : L’auteur écrit : « C’est Hoffmann, Valdès Léal, Zurbaran, et c’est aussi Goya. »

– À quel « Hoffmann » fait-il référence : au peintre allemand Hans Hoffmann (1530-1591 ou 1592) connu pour ses copies d’œuvres d’Albrecht Dürer, ses portraits ou ses dessins d’animaux ; ou au peintre français François Hoffmann (1819-1885) au style réaliste et académique qui a surtout réalisé des portraits ; ou plus vraisemblablement au peintre allemand Carl Heinrich Hoffmann (1818-1896) dont plusieurs tableaux que nous avons vus montrent des situations de travail difficiles (par exemple : « Enlèvement de bois dans la forêt d’hiver », « Travail tsigane dans une tempête de neige » ou encore « Chargement du chariot à bois ») ?

– Juan de Valdès Leal (sans accent) (1622-1690) est un peintre baroque espagnol auteur de nombreuses peintures religieuses. Parmi celles auxquelles aurait pu penser Démocritos, nous avons vu « Finis gloriae mundi » et « In ictu oculi » (détenues à l’hôpital de la Caridad à Séville), très sombres avec des squelettes, à moins que ce soit « Vanita » (Franco Maria Ricci’s collection) représentant un squelette, ou toute autre œuvre très sombre.

– Francisco de Zurbarán (1598-1664) est un peintre espagnol inspiré à ses débuts par Le Caravage. Il a réalisé de nombreuses peintures religieuses. Souvent ses tableaux ont des fonds très sombres.

– Francisco de Goya (1746-1828) est un peintre et graveur espagnol très connu. Par rapport à Maurice Rollinat, nous pensons immédiatement à la série « Les Désastres de la guerre », composée de quatre-vingt-deux estampes en noir et blanc, très réalistes et souvent sombres.

 

– Beaumarchais du 18 mars 1883, pages 6 et 7.
Article « Rollinat & Les « Névroses » » d’E. Bonnet.

(page 6) (…)
Il est bon, il est juste de louer l’exquis sentiment de la nature qui règne dans les Refuges. Un souffle vivifiant, frais et puissant, un talent indiscutable, une musique plus mélodique que symphonique, une variété de rythmes y charment le lecteur, qui ne saurait se retenir de lire à haute voix bien des pièces qui sont de véritables joyaux admirablement sertis en des rimes riches et souvent inattendues. Nulles réserves à faire pour ces ravissants poèmes, Arc-en-ciel, Allée de peupliers, la Sauterelle, les Pouliches, la ballade des Lézards verts, la Biche, et ce Paysage d’octobre, un vrai Th. Millet, et le Petit Lièvre.
(…)

Remarque de Régis Crosnier : Lorsque l’auteur écrit « et ce Paysage d’octobre, un vrai Th. Millet, » à qui pense-t-il ? Il s’agit vraisemblablement de Théodore Millet (1853 – 1904). À moins qu’il ait voulu parler du peintre Jean-François Millet (1814 – 1875), dont les tableaux champêtres pourraient parfaitement illustrer des poèmes de Maurice Rollinat ?

 

– L’Univers illustré du 21 avril 1883, page 242 (deuxième du numéro).
« Courrier de Paris » signé « Gérome »
(pseudonyme utilisé par Anatole France).

(…) – Le poète Rollinat et les Névroses. – (…).

A côté de cela, d’autres morceaux exquis de douceur, de poésie voilée, chantés sur une musique plaintive et mélancolique, appropriée aux paroles, dénotant une connaissance extraordinaire de la nature dans ses manifestations les plus grandioses et les plus farouches, comme par exemple le Taureau et la génisse, où l’on oublie le côté bestial et érotique pour ne plus voir que la grandeur du cadre.

C’est du Rosa Bonheur, disait M. Camille Doucet émerveillé.
(…)

Remarque de Régis Crosnier : Camille Doucet (1812 – 1895) est un auteur dramatique et un poète. Il a été élu à L’Académie française en 1865. Rosa Bonheur (1822 – 1899) est une artiste peintre et sculptrice qui s’est fait connaître grâce à la peinture animalière. « Proche du réalisme des peintres animaliers et de l’observation directe, sa croyance dans l’âme animalière se traduit dans toutes ses toiles par une extrême attention portée au regard des bêtes. (…) ce qu’elle aime : célébrer les animaux et décrire dans son style réaliste les travaux des champs et la vie rurale en France. » peut-on lire sur sa fiche figurant sur le site de la Grande chancellerie de la Légion d’honneur.

 

– L’Impartial du 2 mai 1883, page 1.
« Silhouettes – Maurice Rollinat » de Marie Krysinska.

(…)
Rollinat regarde avec les mêmes yeux de poète et de profond esthéticien autour de lui et en lui-même.

Quel adorable tableau de Memling que son Ciel.
(…)

Remarque de Régis Crosnier : Hans Memling (né entre 1435 et 1440 à Seligenstadt, petite ville située à vingt km de Francfort-sur-le-Main, Allemagne, et décédé le 11 août 1494 à Bruges, Belgique) est un peintre primitif flamand. « L’art de Memling a connu une très grande popularité à la fin du xixe s. et a passé pour l’expression la plus haute de la peinture flamande du xve s. » peut-on lire dans l’encyclopédie Larousse. En faisant cette comparaison, Marie Krysinska pensait peut-être au triptyque « Le Jugement dernier » (Musée Narodowe de Gdansk), tableau très connu d’Hans Memling, où on voit à gauche les âmes entrer au Paradis et à droite aller en Enfer.

 

– L’Artiste – Revue de Paris – Histoire de l’Art contemporain – avril 1884, page 268.
« Un poète de la décadence latine – Maurice Rollinat » signé A. Nebo
(pseudonyme utilisé par Séraphin Péladan).

Les Refuges sont le cœur de la femme aimante et le calme de la grande nature. On retrouve là, le poète des Brandes dans l’Arc-en-ciel d’automne, la Villanelle du soir, l’Ame des Fougères ; comme peintre des animaux, de paysages, comme rustique, Rollinat a souvent des Millet sous sa plume avec l’aggravation fantastique, car la chauve-souris de l’hallucination enveloppe toute son œuvre de ses ailes de velours froid.

 

– La Vie moderne du 14 janvier 1888, page 23 (7ème du numéro).
« L’œuvre nouvelle de Rollinat » de Frantz Jourdain.

(…)
Je voudrais qu’on essayât, aux Vendredis si intéressants de La Vie Moderne : La Nuit tombante, cette page large et sereine comme Millet ; Les Yeux morts, ce chant si mélancoliquement tendre ; La Folie, cette prestigieuse fantaisie macabre ; et La Maladie, et la Chanson des yeux, et toutes. Je suis certain que l’interprète, auprès de ce public nerveux et artiste, obtiendrait un franc succès.
(…)

 

– Revue politique et littéraire – Revue bleue, n° 14 du 6 octobre 1888, pages 443 à 448
« Les artistes mystérieux – M. Maurice Rollinat » de Charles Buet.

(page 446)
Cette atroce et persistante sensation de la peur, il l’a disséquée en des vers courts, pressés, admirables, où il évoque toutes les images susceptibles de monter l’épouvante à son paroxysme. Il a rêvé les plus étranges tableaux, et Goya, Zurbaran ou Ribeira n’ont inventé que des bergeries. Qu’il peigne le démoniaque buveur d’absinthe, ou qu’il burine l’amante macabre, ou qu’il montre le grand meneur de loups « sifflant dans la nuit verte », la terreur lui fait partout cortège : il trouve le mot, le simple mot qu’il faut pour l’exprimer, pour la graver en un frisson glacial et ardent, tout à la fois, sur la peau. Il a ce don surhumain d’épouvanter, et par le simple procédé des poètes d’Orient qui ne se parlent pas en longues et minutieuses analyses à la Poë.

Remarques de Régis Crosnier :
– Pour Goya et Zurbaran, voir ci-dessus.
– José de Ribera (sans i) (1591-1652) est un peintre et graveur espagnol. Dans sa jeunesse, lors d’un séjour en Italie, il apprend la peinture dans le style de Caravage. Ses tableaux sont alors très sombres. De retour en Espagne, ses productions seront plus lumineuses.

 

– Le Figaro du 14 janvier 1892, page 1.
Article « Rollinat » d’Armand Dayot.

(…)
Quant à Rollinat, tantôt si bas courbé sur son piano que les longues mèches de ses cheveux noirs en balayaient les touches, tantôt brusquement redressé, les yeux au ciel, la lèvre tordue, le masque douloureusement tragique, il me faisait songer à l’étrange et vivante ébauche de Paganini par Delacroix. Vous rappelez-vous ce maigre personnage vêtu de noir, à la taille très courbée, presque déhanchée ? Son teint est d’une mortelle pâleur, son sourire amer et satanique, et de son Guarnerius enchanté on croit entendre s’échapper à la fois, dans une fantastique harmonie, les lamentations de Moïse et les ricanements des stryges.

(…)

Remarque de Régis Crosnier : Le portrait de Paganini par Eugène Delacroix est une huile sur carton peinte en 1831 (actuellement propriété de la Collection Philipps de Washington). Paganini est représenté debout jouant du violon, le visage fermé, sans un sourire et regardant son archet. Le tableau est très sombre, seul le visage et les mains sont clairs. Cette peinture est qualifiée d’esquisse ou d’ébauche car elle n’a pas la qualité des productions habituelles d’Eugène Delacroix.

 

– Art et Critique du 20 février 1892, page 91 (onzième du numéro).
« Théâtre d’Application. – La Soirée de Rollinat. » signé « D–x. ».

(…) Le vrai Rollinat, c’est bien le poète champêtre et sauvage, en communion perpétuelle avec la nature, à qui pas un de ses aspects n’a échappé, et dont le vers évoque pareillement les rochers tragiques d’un Salvator Rosa, les ciels gris et les matins moites d’un Corot, les fleurs diaprées de bestioles d’un Breughel-le-Velours. En fait, il me semblait recevoir, de cette série de poésies dites ou chantées, la même impression que laisserait l’exposition de quelque paysagiste varié et puissant, d’une technique gauche et rude, mais qui voit net et sent profondément.

(…)

Remarques de Régis Crosnier :

– Salvator Rosa (1615-1673) est un peintre italien qui a réalisé de nombreux tableaux avec des paysages. Le musée du Louvre possède par exemple le tableau « Paysage rocheux avec un chasseur et des guerriers » (1652), où le ciel sombre, les rochers abrupts et les deux guerriers combattant sur un rocher et risquant de tomber, donnent un caractère tragique à la scène.

– Camille Corot (1796-1875) est un peintre français connu surtout pour ses paysages. Il est l’un des fondateurs de l’école de Barbizon.

– Jan Brueghel l’Ancien dit Brueghel de Velours (et non Breughel) (1568-1625) est un peintre flamand qui a réalisé de nombreux tableaux de fleurs. On lui doit aussi des allégories ; celle de l’agriculture est au milieu d’une guirlande de fruits et de fleurs ; celles de la terre et de l’odorat ont aussi de nombreuses fleurs. Certaines peintures mythologiques comme « Nymphes remplissant la corne d’abondance » ou « Flore et Zéphyr » sont parsemées de fleurs. Nous ne savons pas à quels tableaux fait allusion l’auteur de l’article lorsqu’il écrit « les fleurs diaprées de bestioles ».

 

– Gil Blas du 29 juin 1896, page 2
« La Vie littéraire – Les Apparitions, par Maurice Rollinat » de Maurice Guillemot.

Dans ce même recueil des Névroses, se trouvait cette fameuse « Vache au taureau » dédiée à Cladel, ayant bien la vigueur rude, l’éloquence âpre du brave maître quercynois, cette pièce de vers, belle comme un Millet, d’un rendu impeccable :

A l’aube, à l’heure exquise où l’âme du sureau
Baise au bord des marais la tristesse du saule,
Jeanne, pieds et bras nus, l’aiguillon sur l’épaule,
Conduit par le chemin la génisse au taureau.

 

– La Fronde du 21 janvier 1900, page 2.
« Les êtres et les choses dans l’Œuvre de Maurice Rollinat » (2ème partie) de Jeanne Tullio.

[Jeanne Tullio est un pseudonyme utilisé par Mme Caruchet, épouse du peintre Henri Caruchet.]

(…)
Le Troupeau de vaches
, quatre ou cinq pages magistrales de vie et de réalité, qui font songer à quelque tableau de Troyon. Dans le grand pacage à l’herbe touffue, « moitié prairie et moitié marécage, » un groupe de vaches est disséminé, bêtes superbes, avec « leur beau cornage gris. » L’une broute, d’un mouvement rythmé, avec un « bruit de faux qui coupe » ; l’autre

S’en va boire au marais – le cou dans les roseaux ;

une troisième, génisse follette,

Prend le galop, rebroute et repart de nouveau.

Puis, peu à peu, leur faim s’apaise ;

Maintenant, l’œil mi-clos, en cette herbe mouillée,
Elles semblent dormir le bon ruminement,
Celle-ci flanc à bas, dans le plein vautrement,
Une couchée assise, une autre agenouillée.

Et le soir les surprend dans ces diverses poses,
Tandis qu’au beau milieu de leur jonchement noir,
Trois grands taureaux, debout, chargés de nonchaloir,
Se profilent, tout blancs, avec les cornes roses.

(…)

Remarque de Régis Crosnier : Constant Troyon, né le 28 août 1810 à Sèvres (Seine-et-Oise) et décédé le 20 mars 1865 à Paris (9ème), est un peintre de l’école de Barbizon. Considéré comme un peintre animalier, il s’efforce de représenter les animaux dans leur milieu naturel.

 

– La Revue du 15 août 1901, pages 384 à 397.
« Les artistes maudits » de Marie Krysinska.

(page 395) (…) [à propos de Maurice Rollinat]

Mais ce miniaturise sait devenir un peintre de haute envergure, comme Millet et comme Virgile :
(suivent les quatre premières strophes du poème « La Vache au Taureau »)

(page 395) (…)
Et quel symphonique que ce peintre-poète !

Comme la musique de ces vers est l’harmonie même du paysage et comme il y flotte du vent parfumé et de l’air bleu, sur les ailes des mots évocateurs !
(…)

(page 397) (…)
Ou bien, dans un effort vers la foi des Memling et des Van Eyck, il esquisse ce vitrail :
(suivent les deux premières strophes du poème « Le Ciel »)
(…)

Remarques de Régis Crosnier :

– Hans Memling (né entre 1435 et 1440 à Seligenstadt, petite ville située à vingt km de Francfort-sur-le-Main, Allemagne, et décédé le 11 août 1494 à Bruges, Belgique) est un peintre primitif flamand. « L’art de Memling a connu une très grande popularité à la fin du xixe s. et a passé pour l’expression la plus haute de la peinture flamande du xve s. » peut-on lire dans l’encyclopédie Larousse. En faisant cette comparaison, Marie Krysinska pensait peut-être au triptyque « Le Jugement dernier » (Musée Narodowe de Gdansk), tableau très connu d’Hans Memling, où on voit à gauche les âmes entrer au Paradis et à droite aller en Enfer.

– Quant à Van Eyck, il s’agit vraisemblablement de Jan van Eyck, peintre flamand né vers 1390 à Maaseik ( ?) et décédé à Bruges le 23 juin 1441. Son tableau le plus célèbre est le retable de L’Agneau mystique (cathédrale Saint-Bavon de Gand). Si pour Memling, nous avons pu faire un rapprochement entre le poème et un tableau, pour Van Eyck, il faut certainement s’en tenir à l’expression « dans un effort vers la foi ».

 

– Revue du Berry de janvier 1902, pages 18 à 24.
« Maurice Rollinat – Simples notes » de Joseph Ageorges.

(page 19) (…)
– Roi des poètes ?..... Hum… Eh mon Dieu, après tout !..... En avez-vous lu de ses vers, vous qui le molestez si rudement ! Pour moi, je ne crains pas de les admirer à l’occasion. Et si j’avais à les louer comme aussi à les critiquer, je dirai ceci : ce que j’aime le mieux dans Rollinat, c’est assurément la Nature, un recueil distingué de sensations vraies, ou si vous voulez, un album de croquis d’un réalisme pieux à la Millet, plus vigoureux cependant, plus net, plus fini, plus vu ou vu de plus près. Là dedans tout est peint, même ce qui ne se peint pas, non seulement le suintement lent et obstiné du rocher humide, « la lande ardue » dont « le blême horizon plat » pro-(page 20)longe encore l’étendue », mais aussi le vent qui gémit « ainsi que des morts », et l’hiver gris et la canicule pesante. Et cela est si vrai : que cette poésie est de la poésie essentiellement picturale, que Maillaud n’a eu qu’à prendre ses pinceaux et à copier en couleurs quelques couplets de Rollinat pour faire de forts beaux et de forts bons tableaux. Toutefois il faut aller un peu plus loin et associer tout un ensemble de sensations disparates pour bien juger les procédés de Rollinat. J’allais dire cette chose baroque et grotesque : qu’il peint avec de la musique. Tout le monde sait par cœur : La mort s’en va dans le brouillard ; je ne connais rien de plus harmonieux et de mieux vu que sept ou huit vers de cette pièce-là. Et encore avec ses petits couplets de trois ou quatre vers de huit pieds qu’il égrène en longs chapelets le poète, aidé du musicien, a bati des morceaux merveilleux de monotonie douce et tranquille : la Source, l’Insecte aquatique et d’autres. Pluie dans un ravin est un prodige de mélodie triste et berceuse :

(…)

Remarques de Régis Crosnier :

– Pour Millet, voir ci-dessus.

– Fernand Maillaud (1862-1948) est un peintre français, ami de Maurice Rollinat. Il a réalisé de nombreux portraits de celui-ci. En ce qui concerne des tableaux inspirés par des couplets de Maurice Rollinat, nous pouvons citer les dessins suivants : « Étude pour un personnage du "Convoi funèbre" » (Musée d’Issoudun) ; « Pluie dans un ravin » publié dans l’article « Sur le peintre Fernand Maillaud » de Pierre de Querlon, paru La Plume n° 286 du 15 mars 1901, page 187 ; ou encore « Bernavaud dit "Bornavo" le fou de Rollinat » et « L’idiot », deux dessins publiés par Régis Miannay dans Maurice Rollinat, Poète et Musicien du Fantastique (Imprimerie Badel, Châteauroux, 1981), pages 493 et 548. Par ailleurs, deux tapisseries de Fernande Maillaud sur des croquis de Fernand Maillaud, ont été inspirées par des poèmes de Maurice Rollinat, mais elles sont postérieures à l’article de Joseph Ageorges.

 

– L’Éclair du 28 octobre 1903, page 1.
« L’actualité – Maurice Rollinat jugé par un intime ».

[C’est Léon Detroy qui est interviewé et qui s’exprime dans cet article.]

(…)
Etait-il pleinement satisfait ? Oui. Il n’eût pas voulu être autre qu’il n’était. Pourtant, il lui arrivait de croire qu’il eût fait quelque chose sur les traces de son père, un avocat brillant. C’est qu’il avait la passion du drame. Cet esprit, hanté d’Edgar Poë, dominé par Delacroix dont il avait l’étrange physique, à tel point que le tableau du Louvre est comme son propre portrait, en un beau crime, voyait tout Goya.
(…)

Remarque de Régis Crosnier : Lorsque Léon Detroy dit « dominé par Delacroix dont il avait l’étrange physique, à tel point que le tableau du Louvre est comme son propre portrait », il pense vraisemblablement à l’autoportrait dit au gilet vert (1837).

 

– La Gazette de France du 1er novembre 1903, page 2.
« Notes de critique – IV – Le macabre incongru » de Charles Maurras.

(…)
Mais au fur et à mesure qu’on avance dans le volume [Les Névroses] entre deux haies de paysages insignifiants, mis parfois en ballades d’une sottise qui n’a point de bornes, on s’aperçoit que le poète s’applique sagement à rimer en mirliton des eaux fortes de Rops. Qu’est-cc que l’Amante macabre ou Mademoiselle Squelette ?

Mademoiselle Squelette !
Je la surnommais ainsi :
Elle était si maigrelette

Elle était de La Villette
Je la connus à Bercy,
Mademoiselle Squelette…

(…)

Remarque de Régis Crosnier : Charles Maurras écrit : « on s’aperçoit que le poète s’applique sagement à rimer en mirliton des eaux fortes de Rops ». Félicien Rops, né à Namur (Belgique) le 7 juillet 1833 et décédé à Essonnes (Seine-et-Oise) le 23 août 1898, est un caricaturiste, illustrateur, peintre et graveur. À quelles eaux-fortes pensent Charles Maurras, est-ce « La Mort qui danse », « Le Vice suprême » ? ou tout autre gravure similaire.

 

– Revue du Berry et du Centre, 1911, pages 148 et 149.
« Une fresque de Rollinat. » d’Achille Mélandri.

 

(page 149) (…)
Dans Paysages et Paysans de Maurice Rollinat, les tableaux abondent. On y trouve des sites qui pourraient être signés Corot, des silhouettes rustiques qui rappellent Millet. (…) Je ne puis résister au désir de citer ces dix-huit vers qui, selon moi, ont la grandeur et la noblesse d’une fresque de Puvis de Chavannes.

Cela s’appelle : le Vieux haineux.
(…)

Remarques de Régis Crosnier :

– Pour Corot et Millet, voir ci-dessus.

– Pierre Puvis de Chavannes (1824-1898) est un peintre français. Il a réalisé de nombreuses toiles allégoriques et de grandes fresques comme « La vie de sainte Geneviève » au Panthéon, le grand escalier de l’Hôtel de ville de Paris sur le thème des saisons, ou encore le décor du grand amphithéâtre de la Sorbonne constitué de scènes champêtres.

 

 

(NB : Ne figurent pas dans cette recherche les travaux des biographes de Maurice Rollinat comme Émile Vinchon, Hugues Lapaire ou Régis Miannay.)