Dossier Maurice Rollinat |
MAURICE ROLLINAT À LA CHASSE |
|
Recherche documentaire
non exhaustive, réalisée par Régis Crosnier.
Version au 20 juin 2025.
– I – Dans les écrits de Maurice Rollinat
– Lettre de Maurice Rollinat à Raoul Lafagette, non datée (vu son contenu, nous pouvons penser qu’elle a été expédiée en octobre ou novembre 1877) (collection particulière).
Bel Air, Commune de Ceaulmont près Argenton (Indre)
Mon cher Raoul,
(…)
Pour le moment, je suis seul à la Campagne, mangeant, buvant, dormant, et chassant
comme feu Nemrod. J’ai pris un permis, et malgré mon amour des bêtes, je
me suis mis à les occire sans relâche ! Le si bon Toussenel n’était-il
pas un grand chasseur ! – Je ne suis pas encore de première force,
mais j’ai le coup d’œil juste, et je tire généralement bien.
Ah ! quelle distraction mon cher ami ! et quel exercice pour les
bras et les jambes ! une fois en chaise, je m’oublie pour ne penser
qu’aux perdrix lièvres et cailles dont mon cher pays foisonne. (…)
– Lettre de Maurice Rollinat à Camille Guymon, non datée mais de fin 1877. Extraits publiés par Béatrix Dussane dans Le Divan d’avril-juin 1940, pages 226 et 227.
[Dans ce passage, il évoque son futur mariage avec Marie Serullaz, nièce de Camille Guymon]
(…)
Avons-nous assez vécu comme des Burgraves, isolés que nous étions au
milieu d’un pays fantastique dans son pittoresque ! Oh ! la
bonne vie de sauvages. Quelle complète indépendance ! Quels repas et
quels sommes ! Il faut bien espérer que nous recommencerons cette
superbe vie. Votre nièce ne saurait être un obstacle, au contraire. Elle
comprend le goût de la solitude, et doit avoir le culte de l’imprévu. La
fantaisie dans la promenade, dans la chasse et dans la vie de chaque jour
est chose qu’elle admettra comme nous-mêmes et nous passerons encore de
bonnes heures, enivrés de paix, de silence et de liberté dans cette
campagne magnifique ! Je suis toujours un tireur peu dangereux et je me
résigne stoïquement à manquer merles et perdrix que pourtant j’apprends
à viser un peu tous les jours. Qui sait ? peut-être ai-je l’étoffe
d’un chasseur malgré mon humeur fébrile et mes laborieuses distractions.
(…)
– Lettre de Maurice Rollinat à Raoul Lafagette, écrite à Bel-Air et expédiée d’Argenton-sur-Creuse le 26 août 1878 (collection particulière).
[Maurice Rollinat séjourne alors à Bel-Air en compagnie de son épouse Marie]
(…)
Dans quelques jours la chasse ! mon fusil est nettoyé, mes munitions
sont prêtes ! Je marcherai beaucoup, sans tuer peut être une seule
caille mais le plaisir sera le même, et ce sera toujours un salutaire
exercice ! –
(…)
– Lettre de Maurice Rollinat à Jules Barbey d’Aurevilly, datée du 9 décembre 1883, publiée dans Fin d’Œuvre, pages 246 à 250.
Bel-Air, commune de Ceaulmont près Argenton
(Indre).
Le 9 décembre 1883.
Cher Monsieur d’Aurevilly,
(…)
Je suis si dénué d’ambition, et je tiens si peu à ce qu’on ne m’oublie
pas, que je trouve dans mon désert un apaisement singulier. Je connais deux
ou trois braconniers, espèces de songeurs en blouse, qui ont un langage
grogné, mimé, très furtif et coupé de longs silences. Leur gesticulation
ressemble à des mouvements d’arbre, leurs yeux luisent comme ceux des
loups, et leur son de voix tient assez de ce vague murmure qui sort des
objets inanimés. Avec eux, j’excursionne, je chasse, je pêche au filet,
et la nuit, qui vient sitôt maintenant, nous a surpris plus d’une fois
sur des berges scabreuses ou dans des vallées inquiétantes. Chemin
faisant, ils m’instruisent de leurs observations vulpesques et satanisent
le paysage par les diableries qu’ils me content au bruit claquant, lourd
et régulier de leurs grands pas saboteux.
(…)
Remarque de Régis Crosnier : Maurice Rollinat utilise l’adjectif « vulpesque » vraisemblablement dérivé du nom latin « vulpus » qui se traduit par « renard ».
– Lettre de Maurice Rollinat à Louis Mullem et Gustave Geffroy, datée du 17 août 1887, publiée dans Fin d’Œuvre, pages 265 à 268.
(…)
Vous nous donnerez de vos nouvelles, n’est-ce
pas ? et vous tâcherez d’amener Clémenceau à l’époque en
question. D’excellents chasseurs me disaient, ce matin même, que le pays
est pourri de perdreaux et que le lièvre ne sera pas rare. (…)
– Lettre de Maurice Rollinat à Raoul Lafagette, expédiée le 30 août 1892 (collection particulière).
(…) La campagne m’a sauvé de l’Ennui qui se ronge
sur place ; elle m’a communiqué sa mélancolique sérénité ;
je lui dois ma bonne philosophie toute simple, et ma résignation de plus en
plus inclinée devant les lois de la Nature. Oh ! Si vous pouviez vous
adonner à ce genre d’existence, comme je répondrais de votre
pacification. Pêcher, chasser, cuisiner, canoter, etc. – tout ce qui fait
travailler les membres et les yeux en ne réclamant que de l’Instinct ou
de l’Intelligence sans pensée, voila les seuls vrais remèdes contre l’obsession
du chagrin. Mais surtout, dans l’intervalle, pas de lecture troublante –
aucune musique qui pleure, aucune conversation qui fouille ! rien qui
puisse donner aux rêves noirs la moindre occasion de s’agiter. Essayez de
ce régime, mon Cher Ami ; vous vous sentirez bientôt soulagé de vos
idées funèbres, et vous reprendrez goût à la vie.
(…)
– Dans Ruminations
En vieillissant, on est de plus en plus respectueux de la vie des bêtes, et, chasseur ou pêcheur, on n’est pas sans éprouver un certain trouble et remords au sujet de celles qu’on a immolées jusque-là, pour la barbare satisfaction de son hygiène ou de son plaisir. (pages 68 et 69)
Pour toujours rester doux et bénisseur dans la nature, il faudrait n’être que flânant songeur et regardeur nonchalant, car aussitôt que l’exercice y commence : chasse, pêche, travail manuel, l’homme s’irrite contre l’obstacle végétal, contre la flaque d’eau, le soleil, les pierres ; à cet instant d’activité, abominant justement ce qu’il adore à ses heures de contemplation. (page 92)
– II – Dans des articles de presse ou de revues
– La Gazette des Enfants n° 25 du 26 juin
1892, deuxième et troisième pages du numéro.
Article « … Des chiens » d’Achille Melandri.
(troisième page) (…)
Le chien n’est dans son vrai milieu qu’à la campagne.
Là, il égaie la ferme, peuple la solitude, protège le logis, de sa surveillance fidèle et incessante.
Là, il devient vraiment le compagnon de jeux des enfants, l’ami de son maître, et acquiert une dignité qu’il atteint rarement à la ville.
A l’appui de cette opinion, je veux citer le favori de mon ami, l’éminent poète et musicien Maurice Rollinat, dont la Gazette des enfants a tout récemment publié des vers si touchants.
Dans sa jolie « Maison verte », sur les bords de la Creuse, Rollinat reçoit en été de nombreux artistes, ses amis de Paris.
« Pistolet », un superbe chien loup est l’ami d’adoption des visiteurs.
Dès qu’il me voyait empoigner mon chevalet et ma boite à couleurs, il s’attachait à mes pas, choisissait avec moi le site à peindre, et, tout le temps que je travaillais, veillait à ce que je ne fusse pas dérangé.
Pendant l’automne et une partie de l’hiver, il chasse avec son maître, mais ce dernier, en sa qualité de poète est sujet à des distractions. Il y a des jours où il ne se sent pas en train.
Parfois, en le voyant décrocher son fusil, Pistolet le regarde bien en face, et quand il lui trouve l’œil rêveur, sa tête intelligente prend une expression qui semble dire :
– Tu ne feras rien de bon aujourd’hui. »
Cependant, il se résigne. Les deux amis partent à travers champs, l’un précédant l’autre.
Une compagnie de perdrix se lève. Rollinat épaule, le coup part. Rien ne tombe.
Alors, avec un dédain suprême, Pistolet lève la patte le long des guêtres de son maître, et lui inflige une preuve humide de son mépris.
Puis, sourd à tous les appels, sûr de son fait, il s’en va gambader tout seul dans la campagne, et ne revient qu’à l’heure de la soupe.
Et le poète bredouille rentre pensif au logis, avec un sonnet ou deux griffonnés sur son calepin.
– Ça n’allait pas aujourd’hui, dit-il à ses hôtes : Pistolet l’a bien vu tout de suite, lui !
Texte suivi du poème « Mon chien Pistolet » de Maurice Rollinat.
Remarque de Régis Crosnier : Même si Maurice Rollinat aimait beaucoup son chien Pistolet, il serait bien étonnant qu’il l’ait laissé lever la patte le long de ses guêtres, car il était très soigneux de sa personne. Achille Melandri a dû confondre un arbre voisin avec les jambes de Maurice Rollinat.
– La Vie illustrée n° 27 du 20 avril 1899,
page 36.
Article « Maurice Rollinat » de Jacques des
Gachons.
(…)
Mais une autre année l’ermite de Fresselines nous
invita à passer une journée avec lui. Ce fut un beau régal.
D’abord, l’arrivée, par une autre route, mais
toujours avec la féerie de la vallée traversée. Puis l’entrée dans la
petite maison, au milieu du grondement des chiens du maître du logis. Tout
de suite, le déjeuner, un déjeuner de pêche et de chasse : un
brochet, des perdrix, un lièvre et des fruits du jardin. Comme convives,
deux peintres, le poète et nous. Vous devinez la conversation : la
nature et l’art. Puis ce fut une longue promenade aux sites préférés de
Rollinat. Nous vîmes les haies fleuries, les chênes ses amis, les coins de
la rivière où le pêcheur tend ses cordes, les chemins creux où il s’égare,
où il rêve, par où viennent à lui les visions du soir.
(…)
(NB : Ne figurent pas dans cette recherche les travaux des biographes de Maurice Rollinat comme Émile Vinchon, Hugues Lapaire ou Régis Miannay.)
|