Dossier Maurice Rollinat

 

EDGAR POE DANS LA CORRESPONDANCE DE MAURICE ROLLINAT

(et de Cécile Pouettre)

Portrait de Maurice Rollinat à l'encre de Chine par Cattherine Réault-Crosnier.

 

Recherche documentaire

non exhaustive, réalisée par Régis Crosnier.

 

Version au 25 septembre 2025.

 

 

– Lettre de Maurice Rollinat à un ami [Joseph de Brettes], datée du 30 mai 1871 (écrite à Versailles), publiée dans Le Figaro du samedi 8 février 1930, pages 5 et 6, dans l’article « La jeunesse fiévreuse de Rollinat » de Jacques Patin.

(…)
Aujourd’hui pourtant, il me semble que le mal diminue par quintes et que mes idées, tout en restant tristes, sont moins suicidantes qu’autrefois. Je me claquemure dans une tempérance invariable. Je suis l’homme du gîte et des endroits déserts. J’aime tout ce qui souffre et je fuis tout ce qui égaye ; je compose de temps à autre quelques poèmes en vers, en prose ou en musique ; je m’amuse à chanter les solennels andantes des grands maîtres, et je me résigne à souffrir en lisant les Fleurs du Mal de Charles Beaudelaire (sic). Voilà un livre inouï de verve et d’architecture poétique. Mais pour le savourer, pour s’y délecter l’âme, il faut souffrir ou avoir souffert des maladies innommables résultant d’une imagination trop sensitive ou d’un cerveau trop ébranlé !… La souffrance, donc, est une clef indispensable pour ouvrir la porte de cette serre bizarre où des fleurs languissantes, mortes ou vénéneuses s’étalent sinistrement dans des vases incomparables pour la richesse des formes et le fini des sculptures. Je te recommande les œuvres de Beaudelaire (sic), à toi garçon sérieux et que le malheur a cruellement éprouvé. Les Fleurs du Mal, la traduction vivante des Histoires extraordinaires d’Edgar Poe, les Petits Poèmes en prose et les Paradis artificiels sont dignes de ton attention et de tes loisirs. Lis sans prévention, pense comme tu sais penser, et après cette lecture sainement approfondie ton esprit verra s’ouvrir des horizons nouveaux, d’où l’inspiration la moins attendue lui viendra fatalement.

Quant à moi, depuis une année, tiraillé par la névrose, nourri de Beaudelaire, j’ai fait un ouvrage poétique où la tristesse domine et qui encadre de son mieux dans des vers consciencieusement et laborieusement repolis des idées neuves, audacieuses et presque toujours impersonnelles. (…)

 

– Lettre de Maurice Rollinat à Raoul Lafagette datée du 26 juin 1871 (écrite à Paris) (collection particulière).

(…)
Sans rompre avec Baudelaire qui manie l’étrange et l’innommable avec une originalité quasi créatrice, je suis bien décidé à ne pas abdiquer mes idées personnelles pour imiter servilement les siennes propres ou celles de son sosie poétique Edgar Poë ! – Une certaine bizarrerie de caractère, un gout particulier du Surnaturel, et dans ces dernières années, la névrose qui me ronge, m’ont fait trouver dans ces morbides abreuvoirs une eau précieuse et endormante. J’ai bu le poison avec délices, mais je n’en suis pas mort, et je n’en mourrai pas que je sache…
(…)

 

– Lettre de Theodore de Banville à Maurice Rollinat, datée du 26 décembre 1871, publiée par Régis Miannay dans son article « Banville et Rollinat » paru dans le Bulletin de la société « Les Amis de Maurice Rollinat », n° 18 – Année 1979, pages 6 à 9.

(pages 6 et 7)

Monsieur,

Si j’ai tardé à vous répondre, c’est que j’ai tenu à bien lire, à deux reprises différentes, les vers à propos desquels vous voulez bien me demander conseil. Je me hâte de vous le dire tout d’abord il y a dans vos poèmes un grand et incontestable talent, déjà très curieux et très accompli, un tempérament original, de la vie et enfin un grand art de peindre et de faire voir les objets ; mais à mon grand regret que j’ai d’objections à vous faire ! Il me semble que souvent, et notamment dans les pièces intitulées Les Deux Horreurs et Une Confidence Atroce, vous êtes tout à fait sorti des conditions permises de l’art. Et vous ne sauriez pour cela vous autoriser ni de l’exemple d’Edgar Poe ni de celui du grand et regretté Baudelaire, car l’un comme l’autre, ils ont gardé toujours dans leurs plus sinistres compositions la suprême beauté poétique !
(…)

Remarque de Régis Crosnier : Maurice Rollinat avait envoyé à Théodore de Banville, une lettre datée du 12 décembre 1871 (publiée par Hugues Lapaire dans Rollinat Poète et Musicien, pages 49 et 50). Régis Miannay indique qu’à cette lettre étaient joints « neuf de ses poèmes dont cinq ont paru dans Les Névroses : « L’Enterré vif », « Edgar Poe », « La Céphalalgie », « La Morgue », « Le Piano », et dont un seul, « Le Soliloque du menuisier », a été inséré dans le recueil Dans les brandes. Les trois autres poèmes sont « Les Deux horreurs », « Une Confidence atroce » et « Les Soleils du cœur ». » (Maurice Rollinat, Poète et Musicien du Fantastique (Imprimerie Badel, Châteauroux, 1981, XVII + 596 pages), page 110).

 

– Lettre de Maurice Rollinat à Raoul Lafagette datée du 28 octobre 1874 (expédiée de Paris) (collection particulière)

Mon cher ami

Une chose qui m’aiderait à chasser mes idées noires, c’est l’argent ! (…) J’ai un piano ! lamentable épinette, à quoi me sers tu ? Désormais tu es morte pour la grande musique. – il me reste mes livres ? mais, puis-je m’abîmer en eux, quand mon sort m’écœure et qu’ainsi que le pendule d’Edgar Poë la question d’argent graduellement descendante se balance au dessus de ma tête, et finit par l’entamer, coupant et recoupant ma pauvre cervelle qui n’en meurt pas ! (…)

 

– Lettre de Maurice Rollinat à Raoul Lafagette datée du 2 février 1875 (écrite à Paris) (collection particulière).

Mon cher ami,

Je suis allé dernièrement entendre Mr Blémont à la salle des conférences du Boulevard des Capucines. Le fantastique dans la Littérature, Edgar Poë ! tel était son sujet. – Evidemment, je ne m’attendais pas à une conférence étonnante, mais au moins pouvais-je espérer que ce journaliste Bibliographe parlerait avec toute son âme du plus merveilleux génie qu’ait enfanté le hasard. – Eh bien ! non ! C’est avec un sang froid de vétérinaire, avec une parole fade et hyperboréale, gommeusement accoudé sur une table ou s’étalait un verre à pied académique, qu’il a traité cette matière si grosse de suggestions littéraires et de magies artistiques. Edgar Poë raconté, commenté, lu par Emile Blémont ! quelle honte ! – selon ce Monsieur, on n’a jusqu’à ce jour que des traductions informes du conteur macabre, en y comprenant celle de Baudelaire. – oh ! j’enrageais, et ricanant amèrement dans mon coin, je pensais que Baudelaire hélas ne pouvait pas répondre à ce rimeur ! –

Pourquoi, de son vivant, n’a t’-il pas eu l’idée de parler en public d’un homme pour lequel il avait une admiration si terrifiée ! – comme sa voix bizarre, aux inflexions soulignantes aurait vrillé l’âme des auditeurs ! – lui, que hantait la névrose, et que satanisait l’obsession des plus ténébreux cauchemars, avec quelles douloureuses voluptés il aurait fouillé cette mine surnaturelle dont chaque filon est de l’Étrange ou de l’horrible pétrifiés.–

Edgar Poë a vécu, âme si malheureuse de sa prison de chair et de l’architecture du monde réel, qu’elle a pour ainsi dire violé la tombe, et interrogé l’insondable. Et, telle a été la volonté de ce désespéré chercheur qu’il s’est fait un univers, un habitacle, un genre de vie absolument correspondants à sa nature et à ses rêves. Chose bizarre ! cet homme si peu de ce monde, a pris l’adjuvant le plus matériel pour développer en lui le paroxysme cérébral, grâce auquel il vivait nuit et jour, dans un paradis noir peuplé de chimères vivantes pour lui seul : il a bu, il s’est grisé, il s’est saoulé même. – Eh bien ? n’est-ce pas le comble de la puissance humaine que de faire servir l’alcool à l’exacerbation des songeries d’outre tombe, quand on sait que doivent ruisseler d’elles des poèmes incomparables, et en somme, d’une philosophie intense, pour qui peut lire entre les lignes, et synthétiser son impression d’artiste, dans un épilogue de penseur. – Pour moi, cet homme a été le plus torturé martyr qui fut jamais. Sans épanchement sur la terre, se refoulant volontairement en lui même, et n’étant jamais dans une foule que le perspicace et sombre questionneur des yeux, malheureux toujours dans ses tendresses d’époux ou d’amant, il s’est condamné â l’ivrognerie, ce glorieux et honteux supplice dans lequel il évoquait si despotiquement la muse funèbre. Sans l’alcool, il eut déjà horriblement souffert à cause du satanisme même de ses idées, et de l’exaspération nerveuse de son individu physique, et pourtant, sans jamais reculer, froidement, systématiquement, il s’est ingurgité la liqueur de braise, et s’est lentement calciné les entrailles, sachant bien qu’en se convulsant sur le gril, il râlerait des pensées formidables, qu’au lendemain de la crise incendiaire il fixerait en caractères ensorcelants, à force de féerie suprême et de ciselure quintessenciée. –

En littérature, ne fait pas du Surnaturel, qui veut. Et la preuve, c’est que des Génies-colosses échoueraient dans ce genre absolument à part et qui exige de celui qui y excelle, un organisme particulièrement douloureux et sensitif au triple point de vue moral intellectuel et physique. Les personnages d’Edgar Poë incarnent le rêve. Ce qu’ils font, ce qu’ils disent réalise l’irréel, et pourtant, ils vivent d’une vie logique et raisonnable, tellement qu’ils intéressent et passionnent les terrestres dont pas un n’a lu William Wilson, sans frissonner en tournant les feuilles. – Je n’entreprends pas, mon Cher Ami, de refaire la conférence qu’a si philistinement ratée Mr Blémont mais j’émets pêle-mêle et à la hâte quelques menues idées sur le prodigieux créateur du vrai fantastique ; idées, que n’a pas eu le conférencier des Capucines, et qui bien et hardiment développées, auraient pu, ce me semble, faire entrer le public dans le sens intime d’Edgar Poe. –
(…)

Remarques de Régis Crosnier :

– 1 – Voici par exemple, l’annonce de la conférence parue dans Le Temps du 4 janvier 1875, page 4 : « Salle des Conférences, 39, boul. des Capucines, à 8 heures 1/2 du soir. – (…) Demain lundi, M. Emile Blémont : "Du fantastique sans la Littérature contemporaine. – Edgard Poë." ». La séance a donc eu lieu le lundi 4 janvier 1875 (l’expression « Demain lundi » vient du fait que Le Temps est un journal du soir).

– 2 – Émile Blémont a été le « Rédacteur en chef » de La Renaissance littéraire et artistique, revue parue d’avril 1872 à mai 1874. Les deux premiers poèmes de Maurice Rollinat parus dans un journal, l’ont été dans celle-ci : « La Morte embaumée » (n° 34 du 28 septembre 1873, page 268) et « Chopin » (n° 43 du 30 novembre 1873, page 342).

Maurice Rollinat connaissait Émile Blémont à cette époque. Par exemple, il le rencontre au café Tabourey comme il l’écrit à son ami Raoul Lafagette, le 11 décembre 1873 : « Le dimanche, après déjeuner, nous allons ordinairement au Café Tabourey, et là nous causons poésie, art, musique, théâtre, journalisme, nouvelle de tout genre. Toute la Bande s’y trouve attablée devant des Bocks toujours pleins, et le temps passe agréablement. – Blémont est fort abordable. Quoique poète minuscule, il n’est pas jaloux des vrais artistes qui viennent lui demander l’hospitalité de ses colonnes. Au contraire il les accueille avec une grande politesse, et les oblige de son mieux. » (collection particulière)

Émile Blémont et Maurice Rollinat ont eu chacun un poème de publié dans le troisième volume du Parnasse contemporain (édité par A. Lemerre, Paris, 1876, 451 pages) : « La Chanson de Marthe » pour le premier et « Les Cheveux » pour le second.

– 3 – « William Wilson » est une nouvelle d’Edgar Poe, traduite en français par Charles Baudelaire et publiée dans Nouvelles Histoires extraordinaires par Edgar Poe (Michel Lévy frères libraires-éditeurs, Paris, 1875, XXIV + 288 pages), pages 24 à 51. L’histoire est écrite à la première personne, elle commence à l’école et se poursuit jusqu’à l’âge adulte. Le narrateur se trouve régulièrement en présence de son double ce qui le hante et le conduit à la folie.

 

– Lettre de Maurice Rollinat à Raoul Lafagette datée du 16 août 1877 (écrite à Saint-Julien de Ratz où il est en vacances, invité par son ami Camille Guymon) (collection particulière).

(…)
Je suis logé ici à mi-côte d’une montagne énorme dont la cime se perd dans les nuages. Le matin, au soleil, je vois les rocs bleuir ou s’émerauder, les endroits sablonneux resplendir, et les côtes boisées de sapins noirâtres s’animer en verdissant d’une façon bizarre. C’est superbe ! – Et puis, quel calme, quelle désolation mystérieuse ! – J’ai fait l’ascension de la Sure une des plus hautes montagnes du Dauphiné. Je vous dirai mes impressions à notre première rencontre. En tous cas, je puis vous affirmer que la nature Alpestre m’empoigne moins intimement que celle de Gargilesse. Ici je me sens en quelque sorte écrasé par la matière ; au contraire là-bas je communie avec elle, et j’en perçois familièrement les moindres détails. – C’est Beethoven, et c’est Chopin ! – C’est Shakespeare et Edgar Poë ! –
(…)

 

– Extraits d’une lettre de Maurice Rollinat à Camille Guymon datée du 28 août 1877.
Publiés par Béatrix Dussane dans Le Divan d’avril-juin 1940, pages 223 et 224.

(…) Qui donc a vu l’homme double en moi ? Vous seul, qui avez aussi lutté, souffert, frémi, soliloqué ! Soyez donc béni au nom de la fatalité qui nous a faits si différents des autres, et recevez de votre frère en Edgar Poe l’assurance d’une affection surhumaine, comme il nous la faut à nous les familiers du mystère, qui vivons sans vivre et que l’art satanique peut seul intéresser...

 

– Lettre de Maurice Rollinat à Raoul Lafagette datée du 31 juin 1878 (écrite à Yvours, commune d’Irigny-près Lyon, Rhône) (collection particulière).

[à propos des formes de littérature]

(…) Je ne m’étonne pas, mon cher Raoul, que vous laissiez de côté les sujets trop longs. Comme moi, vous êtes par-dessus tout un dilettante des sensations, et le poëte dans toute l’acception du mot ? – Et Baudelaire ? Et Poë ? sont-ils des diffus, ou des concentrés ?… Continuons donc à rimer des impressions avec une féroce lenteur !…
(…)

 

– Lettre de Maurice Rollinat à Jules Barbey d’Aurevilly, datée du 9 décembre 1883, publiée dans Fin d’Œuvre, pages 246 à 250.

Cher Monsieur d’Aurevilly,

Par nature je suis rarement épistolier et j’ai l’affection peu démonstrative. Mais si au dedans de moi que se cachent mes sentiments, croyez qu’ils ne végètent point ; ils se vivifient par leur intériorité même, et demeurent à jamais greffés sur ma pensée qui les alimente.

C’est vous dire que je vous aime de tout mon cœur et que je vous admire passionnément. Ne vous dois-je pas le plus noble service que le Génie puisse rendre à un homme de lettres ? N’ai-je pas eu mille preuves de votre infinie bonté, et parmi les trois grands Ténébreux : Pascal, Edgar Poë et Baudelaire, n’êtes-vous pas pour moi le flamboyant Original qui donne au sujet la profondeur de la conscience, à l’idée la suggestivité du rêve, et à l’expression l’architecture et la coloration fantastiques ? Vous imprégnez chaque page d’une telle spiritualité et vous ensorcelez si bien les caractères d’imprimerie que dans n’importe quelle bibliothèque un livre de vous mêlé à d’autres me fait toujours l’effet d’un fantôme nocturne surgissant parmis de meubles. Aussi, cher monsieur d’Aurevilly, ai-je la religion de votre Art, la même que j’ai pour la Nature, car vous êtes simple et compliqué, violent et mystérieux comme elle ; et je retrouve dans toutes vos œuvres ce trouble sauvage et ce frisson spécial qu’elle ne manque jamais de me communiquer.
(…)

 

– Lettre de Maurice Rollinat à Charles Buet, sans date mais vraisemblablement de début 1885, publiée par Georges Normandy dans son article « Maurice Rollinat (Lettres Inédites) » parue dans La Revue (Ancienne « Revue des Revues ») n° 14 du 15 juillet 1912, pages 145 à 159.

Bel-Air [sans date].

Mon cher Ami,

Quand je retournerai à Paris, j’irai certainement reprendre avec vous les bonnes causeries de l’ancien temps ! C’est vous dire qu’il ne faudrait pas juger de mes sentiments par mon silence épistolaire. Je n’oublie aucun de nos camarades, et j’ose dire que, s’ils me connaissent à fond, ils ne doutent pas de mon amitié. Quant à M. d’Aurevilly, il est installé dans ma pensée avec Pascal, Poë et Baudelaire. Cette grande figure surgit constamment devant moi, et son œuvre excitante est le picotin de mon esprit.
(…)

 

– Lettre de Maurice Rollinat à Gustave Geffroy datée du 25 janvier 1888.
D’après une copie manuscrite – collection de la médiathèque Équinoxe (Châteauroux – Indre), fonds « Émile Vinchon, n° 9 ».

Mon cher Geffroy

(…)
Vous savez que j’ai dix ou douze interprétations rimées de poésies d’Edgar Poë, entre autres le Ver conquérant, le Palais Hanté, Eldorado, Hélène, la Dormeuse, Un Rêve dans un Rêve. Je serais bien heureux si ces poèmes qui moisissent depuis si longtemps dans mon tiroir pouvaient me rapporter quelque argent. (…)

Remarque de Régis Crosnier : En ce qui concerne les traductions de poèmes d’Edgar Poe, « Le Corbeau » avait déjà été publié dans le Le Voltaire du 25 novembre 1882, page 1 (poème mis en illustration de l’article de Guillaume Livet intitulé « Rollinat », et dans Le Feu Follet n° 73 du 15 décembre 1884, pages 296 à 300. Il faudra attendre 1894, pour que La Revue hebdomadaire fasse paraître « Hélène » le 4 août 1894, pages 147 à 151 et « Le Corbeau » le 18 août 1894, pages 451 à 457.

 

– Lettre de Maurice Rollinat à John H. Ingram, datée de novembre 1889.
Publiée par Émile Vinchon dans son article « L’interprétation par Rollinat du Corbeau d’Edgar Poë » paru dans le Bulletin de la société « Les Amis de Maurice Rollinat », n° 9 – Avril 1970, pages 8 à 10.

(page 10)

Fresselines (Creuse)

Novembre 1889

J’avais fait en toute conscience cette interprétation versifiée du Corbeau d’Edgar Poë pour ma satisfaction personnelle, ayant en quelque sorte le besoin de me prouver à moi-même combien j’admirais le miraculeux génie ; j’ai donc été très touché de la délicate attention que vous avez eue de citer cette pièce dans votre ouvrage que je lirai avec le plus grand intérêt, comme toutes les publications concernant Edgar Poë.

Merci mille fois, cher Monsieur, et recevez l’assurance de mes meilleurs sentiments de confraternité.

Maurice Rollinat.

 

– Lettre de Maurice Rollinat à Lucien Descaves datée du 17 février 1894.
D’après une copie manuscrite – collection de la médiathèque Équinoxe (Châteauroux – Indre), dossier « Maurice Rollinat – Correspondance II ».

Mon cher Descaves,

Je vous adresse par le même courrier mon interprétation rimée du Corbeau d’Edgar Poe pour la revue en question qui paye assez bien paraît-il. C’est vous, n’est ce pas qui m’avez proposé si aimablement de l’y faire passer ? au cas où je me tromperais ce serait alors à Geffroy que vous auriez la bonté de remettre ce manuscrit.
(…)

 

– Lettre de Maurice Rollinat à Lucien Descaves datée du 4 mai 1894.
D’après une copie manuscrite – collection de la médiathèque Équinoxe (Châteauroux – Indre), dossier « Maurice Rollinat – Correspondance II ».

Mon cher ami,

La nouvelle pièce d’Edgar Poe : Hélène que je vous envoie ci-joint devra faire au moins avec le Corbeau les 10 pages demandées.

Encore merci mille fois pour toutes vos démarches à cette lésineuse Revue. (…)

Remarque de Régis Crosnier : « Hélène, d’après Edgar Poe » paraîtra dans La Revue hebdomadaire du 4 août 1894, pages 147 à 151, et « Le Corbeau, d’après Edgar Poe » dans l’édition du 18 août 1894, pages 451 à 457.

 

– Lettre de Cécile Pouettre à Lucien Descaves datée du 22 juin 1894.
D’après une copie manuscrite – collection de la médiathèque Équinoxe (Châteauroux – Indre), dossier « Maurice Rollinat – Correspondance II ».

Cher Monsieur,

Maurice a reçu ce matin votre lettre. Il vous remercie de tout le mal que vous vous êtes donné pour la publication et la correction de ses traductions.

Le verbe prendre deux fois répété dans la même strophe l’a été avec intention pour se conformer scrupuleusement au texte. On remarque beaucoup ces répétitions chez Edgar Poe. Mais le traducteur n’est nullement mécontent de votre substitution et il dit que puisque vous avez été choqué par cette répétition le public pourrait bien être de votre avis.

Donc merci encore et au mois prochain les numéros et la… forte somme !
(…)

Remarques de Régis Crosnier :

– 1 – Maurice Rollinat avait envoyé à Lucien Descaves deux poèmes traduits d’Edgar Poe, « Hélène » et « Le Corbeau », en vue de leur publication dans La Revue hebdomadaire. Le verbe « prendre » n’est pas utilisé dans le premier texte, mais à la quatorzième strophe du second. Lucien Descaves a vraisemblablement remplacé le deuxième « prends » par « bois ». Charles Baudelaire et Stéphane Mallarmé utilisent deux fois le mot « bois » dans la strophe considérée, pour leur traduction.

– 2 – « Hélène, d’après Edgar Poe » paraîtra dans La Revue hebdomadaire du 4 août 1894, pages 147 à 151, et « Le Corbeau, d’après Edgar Poe » dans l’édition du 18 août 1894, pages 451 à 457. Quant à la « forte somme », Maurice Rollinat avait écrit précédemment à Lucien Descaves : « Comme je vous le disais dans ma dernière lettre je ne peux pas accepter moins de Cent francs. » (Lettre de Maurice Rollinat à Lucien Descaves, sans date mais de fin avril 1894. D’après une copie manuscrite – collection de la médiathèque Équinoxe (Châteauroux – Indre), dossier « Maurice Rollinat – Correspondance II »).

 

– Lettre de Cécile Pouettre à Lucien Descaves datée du 10 août 1894.
D’après une copie manuscrite – collection de la médiathèque Équinoxe (Châteauroux – Indre), dossier « Maurice Rollinat – Correspondance II ».

Cher Monsieur,

Nous avons trouvé à notre retour de Montauban, où Maurice était allé à l’inauguration du monument Cladel trois exemplaires de la Revue Hebdomadaire. Un portait la mention suivante : pour M. Rollinat. Les deux autres vous étant adressés, je vous les retourne. Ils ont fini par publier « Hélène » ce qui nous fait supposer l’insertion du Corbeau pour une prochaine publication. Ils y ont mis le temps, mais mieux vaut tard que jamais ! Quand le tout aura vu le jour, vous serez bien aimable de toucher pour Maurice la forte somme, que vous aurez encore la peine de lui faire passer… Voilà ce que c’est que d’être si obligeant on abuse…

Maurice est très content de cette bonne aubaine qui va compenser, dit-il, les frais du déplacement Montauban. Il n’a jamais voulu se résigner à y aller seul, j’ai dû l’y suivre. Ce n’était pas extrêmement divertissant, surtout pour moi qui, ne connaissant personne ai dû passer une journée et une soirée solitaire dans cette chaude cité. Au retour, nous avons été emmenés par des amis passer deux jours dans leur propriété à quelques lieues de Fresselines. C’est ce qui a mis le retard que vous pourrez constater dans l’envoi de la Revue.
(…)

Remarque de Régis Crosnier : « Hélène, d’après Edgar Poe » était parue dans La Revue hebdomadaire du 4 août 1894, pages 147 à 151. Quant à la « forte somme », Maurice Rollinat avait écrit précédemment à Lucien Descaves : « Comme je vous le disais dans ma dernière lettre je ne peux pas accepter moins de Cent francs. » (Lettre de Maurice Rollinat à Lucien Descaves, sans date mais de fin avril 1894. D’après une copie manuscrite – collection de la médiathèque Équinoxe (Châteauroux – Indre), dossier « Maurice Rollinat – Correspondance II »).

 

– Lettre de Cécile Pouettre à Lucien Descaves datée du dimanche 19 (vraisemblablement août 1894).
D’après une copie manuscrite – collection de la médiathèque Équinoxe (Châteauroux – Indre), dossier « Maurice Rollinat – Correspondance II ».

Mes chers amis,

(…)
Inutile de retourner les exemplaires de la Revue. Maurice en a assez d’un pour le moment. Je vous renvoie le numéro de la Revue dans lequel est publié le Corbeau.

Enfin ! Merci pour tout le mal que vous vous êtes donné pour obtenir ces publications. Maurice vous en est bien reconnaissant.
(…)

Remarques de Régis Crosnier :

– 1 – Cette lettre est classée dans l’année 1897. Si nous nous référons à l’expression « on se croirait fin d’automne » et le fait qu’il y ait la famille Montet en vacances avec ses fillettes, nous sommes vraisemblablement au mois d’août. En 1897, le 19 août est un jeudi. Pour que le 19 août soit un dimanche, nous avons le choix entre les années 1894 et 1900. Par ailleurs, le poème « Le Corbeau, d’après Edgar Poe » a été publié dans La Revue hebdomadaire du 18 août 1894, pages 451 et 457, ce qui indique la date du dimanche 19 août 1894.

– 2 – Cécile Pouettre écrit : « Merci pour tout le mal que vous vous êtes donné pour obtenir ces publications. » Dans La Revue hebdomadaire, en plus du poème « Le Corbeau » cité ci-dessus, le poème « Hélène, d’après Edgar Poe » avait été publié dans le numéro du 4 août 1894, pages 147 à 151.

 

– Lettre de Maurice Rollinat à l’éditeur Heugel, datée du 18 février 1897, publiée par Georges Lubin dans son article « Lettres inédites de Maurice Rollinat à divers correspondants » paru dans le Bulletin de la Société « Les Amis de Maurice Rollinat », n° 11 de novembre 1972, pages 1 à 10.

(page 2) (…)

Fresselines (Creuse)

Le 18 février 97.

Cher Monsieur Heugel,

Je pensais qu’Edgar Poë, comme auteur Américain, ne relevait pas de la maison Calmann-Lévy d’autant plus que « Le Rêve » cette pièce de lui que j’ai interprétée en vers n’a jamais été traduite par Baudelaire et par conséquent ne figure dans aucun de ses livres.

Gabriel Mourey, Hennequin, Blémont, Stéphane Mallarmé, William Hugues et bien d’autres ont traduit de l’Edgar Poë et je ne (page 3) suppose pas qu’ils aient dû pour le faire en demander l’autorisation à Calmann-Lévy.

Si pourtant, vous pensez que la chose peut susciter quelques difficultés, je vous prierai de vouloir bien me retourner « Le Rêve » et, à la place, je vous enverrai une autre mélodie chantée dont le sujet sera entièrement de moi.

Merci encore, cher Monsieur, et bien cordialement,

Maurice Rollinat.